Alerte à la bombe le 14 juin. Des manifestants tentent de pénétrer avec des drapeaux israéliens au Jeu de Paume le dimanche 16. Nouvelle alerte le 18 juin, avec évacuation et intervention de la police, pour une partie de la nouvelle exposition d’Ahlam Shibli !
Femme, Palestinienne et photographe, Ahlam Shibli place l’essentiel de son travail sur le sujet brûlant du foyer, de sa perte, et des combats menés contre ce risque, sous toutes leurs formes. Comment peut-on répondre à des politiques de répression identitaire ? Et une identité communautaire n’est-elle pas aussi une forme de foyer ? Souvent le foyer est fantôme, douloureux, comme peut le rester un membre amputé, qui demeurera sensible à jamais...
L’exposition présente, de la dernière décennie, 6 séries de photos d’Ahlam Shibli, chacune documentée (un lieu, une date), dont la plus récente, Death, Palestine, 2011-2012, montre la place que les Palestiniens accordent aux combattants tués dans leur lutte, à ces absents auxquels on érige de véritables autels dans les foyers, exemples tutélaires, posters, postures et traces d’un moment de résistance.
C’est cette série qui fait polémique. Le CRIF, Conseil représentatif des institutions juives de France dénonce une exposition qui ferait "l’apologie du terrorisme". Les légendes écrites par la photographe dans cette série utilisent le terme de "martyr", sans guillemets. Pour le journal Le Monde, "Marta Gili (la directrice du Jeu de Paume) rétorque en citant le texte d’introduction, où Ahlam Shibli évoque les auteurs d’attentats suicides qui se font exploser pour assassiner des Israéliens". "C’est un mot très fort, l’assassinat est un meurtre avec préméditation."
Pour Ahlam Shibli, qui dit ne pas mettre ses opinions dans son travail : "Ce n’est pas un travail politique, mais plutôt psychanalytique".
Dans un autre travail, l’artiste montre que le corps ou les préférences sexuelles peuvent subir aussi des politiques de répression identitaire, comme ces LGBT orientaux (2004-2006), quittant ces pays qui les réprouvent, Pakistan, Palestine, Liban, Turquie ou Somalie. Où faut-il donc aller chercher, pour la vie ou pour un week-end, la société permettant de vivre selon ses goûts, son genre, ses préférences. Les photos de cette série sont de Zurich, Barcelone, Tel-Aviv et Londres.
En Pologne, des photos d’enfants prises dans des orphelinats. La famille se fait dans la proximité des corps, et même dans l’appropriation d’une statue maternelle, l’affaire d’un instant. Série Dom Dziecka. La maison meurt de faim quand tu n’es pas là, 2008.
D’autres séries encore, dont Trauma, Corrèze, France, 2008-2009, quand des mémoriaux rappellent la terrible répression que les nazis appliquèrent contre les résistants et les populations, comme d’autres monuments célèbrent les soldats tombés dans les combats plus incertains des armées coloniales... Trackers, Palestine/Israël, où des Palestiniens d’origine bédouine s’engageaient dans l’armée israélienne.
Ahlam Shibli, Phantom Home (Foyer Fantôme), du 28 mai au 1er septembre 2013, au musée du Jeu de Paume, 1, place de la Concorde, 75008 Paris, accès par le Jardin des Tuileries, côté rue de Rivoli. 01 47 03 12 50. Ouvert le mardi de 11 à 21h, du mercredi au dimanche de 11 à 19h. Fermé le lundi. Métro Concorde. 8,50 ou 5,50 euros.
Voir aussi, même lieu et mêmes dates, Lorna Simpson.
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