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Eglise Saint-Etienne-du-Mont, Paris 5e

Située en face du lycée Henri IV et derrière le Panthéon, la petite église Saint Étienne du Mont est l’une des plus charmantes de la capitale.


Et si l’on grimpait au sommet de la montagne Sainte Geneviève (61 mètres au-dessus du niveau de la mer) ? Au croisement de la rue Clovis et de la rue Descartes, on remarque une porte banale, anodine. Loin des perspectives monumentales un peu écrasantes de la Place du Panthéon, cette entrée fait pénétrer subrepticement dans l’église Saint-Etienne-du-Mont, où l’on découvre, dans le désordre, beautés, curiosités et vestiges historiques.

A droite, un panneau mène aux vitraux de la galerie des charniers. Douze scènes réalisées au début du XVIIe siècle, montrées à hauteur d’yeux, éclairées par la lumière rasante de l’après-midi d’hiver. Tout près, la chapelle des catéchismes résonne de cris d’enfants qui se poursuivent.

Côté abside, des piliers recueillent les épitaphes de deux illustres jansénistes. Pascal, le penseur mystique, mort chez sa sœur au 67 de l’actuelle rue du Cardinal Lemoine, a été inhumé en 1662 en voisin. Les restes de Racine ont eux été transportés ici en 1711, dix ans après sa mort, sa chère abbaye de Port-Royal, cible du pouvoir monarchique, ayant été rasée, et son cimetière dévasté.

Avançant au-delà du chœur, on se retourne pour découvrir le jubé,
jubilant joyau de l’église. Il traverse la nef sans clore la vue, avec ses frises de pierre presque orientales. Deux anges en lévitation se contorsionnent pour contempler deux vertigineux escaliers à vis se reflétant parfaitement l’un l’autre, enroulés en spirale autour des premiers piliers du chœur. C’est le seul jubé encore préservé à Paris, édifié entre 1525 et 1535 : à la fois tribunes de lecture et portes séparant le chœur du reste de l’église, les jubés ont souvent été détruits aux XVIIe et XVIIIe siècles, ne s’accordant plus à la liturgie de l’époque.

Après le jubé, place à la chaire comme podium pour le prédicateur ! Celle de Saint-Etienne-du-Mont, sculptée en 1651 par Claude Lestocard sur les dessins de Laurent de la Hyre, est portée à bout de bras par un brave Samson encore pourvu de toute sa chevelure, soutenant sans peine les impassibles Vertus ornant les boiseries. Essayons de nous représenter aujourd’hui la scène décrite par les libertins du XVIIIe siècle dans Les chroniques de l’œil de bœuf : « Forcé dans les derniers retranchements de sa pudeur sacrée, le curé de Saint- Étienne-du-Mont s’écriait l’autre jour en chaire : Pourquoi, mesdames, ne pas vous couvrir en notre présence ; sachez que nous sommes de chair et d’os comme les autres hommes ! »

De sa chaire, le curé bénéficie certes d’une vue plongeante sur ses paroissiennes, mais aussi vers le grand orgue construit en 1631, dominé par un Christ jaillissant du tombeau, cerné d’anges et de chérubins. Sa qualité a attiré de célèbres interprètes au cours des siècles, dont César Franck et Maurice Duruflé, organiste titulaire de 1930 à 1975.

Pour atteindre la chapelle de Sainte Geneviève, point n’est besoin d’être un vaillant prince, faisant s’écarter ronces et épines jusqu’au château de sa belle au bois dormant. Et pourtant... En cette fin d’après-midi de janvier, une scène d’un conte de Perrault ou de Grimm se rejoue ici à l’aube du XXIe siècle. Un jeune homme prie avec ferveur, la main posée sur une châsse tissée d’entrelacs dorés, cercueil de verre abritant étrangement ce qui semble être une lourde pierre tombale. Veut-il ainsi tirer de l’oubli la sainte au mont dormant ?

Sainte Geneviève, patronne de Paris et de la France, des gendarmes et des tapissiers, fut adulée au XIXe siècle, et ignorée à l’ère du cinéma, qui a préféré porter à l’écran les tourments de sa rivale guerrière, Jeanne d’Arc. La vie de Genofeva, l’Athena de Paris, est certes moins passionnée : morte tranquillement à près de 90 ans en 512, cette vestale s’en est toujours bien sortie, exhortant avec succès les Lutéciens à résister à Attila, copinant avec le roi Clovis et la reine Clotilde qui feront édifier la première église sur le mont Leucotitius. Elle a eu la chance de ne pas finir martyre au bûcher : seuls ses ossements reliques ont été publiquement brûlés en 1793 sur la Place de Grève. Son tombeau à Saint-Etienne-du-Mont est vide : il ne contient qu’un morceau de sarcophage, récupéré de l’antique abbaye Sainte-Geneviève, dont il ne subsiste aujourd’hui que la tour Clovis, émergeant des bâtiments du lycée Henri IV.

Près de la sortie de l’église vers la place du Panthéon, on peut marcher par mégarde sur la dalle funéraire de Mgr Sibour : en pleine fête de Sainte Geneviève à Saint-Etienne-du-Mont, cet archevêque de Paris a été poignardé le 3 janvier 1857 aux cris de "A bas la déesse, mort à l’Archevêque" par un prêtre interdit contestant l’Immaculée Conception, et, sans doute, le culte de "Sainte Ginette", simili déesse de Paris.

Par un autre jour d’hiver, le 10 janvier 1896, éclairé par un soleil radieux, l’église Saint-Etienne-du-Mont était pleine à craquer pour célébrer les obsèques d’un poète aimé et maudit : Verlaine, "le triste errant, le clochard socratique" de la rue Descartes, selon Paul Claudel. Fauré était à l’orgue ; Mallarmé écrira : "Ce fut, amis et ciel, très beau de deuil et de sérénité".

Et soudain, c’en est trop : d’évocations, d’histoires amoncelées ! Il est temps de sortir pour admirer aussi l’extérieur de l’église, construite en plus de cent ans, de 1492 à 1626, puis restaurée par Baltard vers 1860. Le Panthéon colossal est à deux pas, mais aussi la bibliothèque Sainte-Geneviève, devant laquelle attendent patiemment des étudiants en file indienne. Ils parlent, ou lisent déjà. Tout près de la sainte au mont dormant, la vie ne tarde pas à reprendre ses droits.

Marie-Ange Daguillon.

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Informations pratiques
Adresse, horaires, numéro de téléphone, liens...

Rue de la Montagne Sainte-Geneviève, 75005

Du mardi au vendredi, de 8h45 à 19h45. Samedi, de 8h45 à 12 et de 14h à 19h45. Dimanche, de 8h45 à 12h15 et de 14h à 19h45.

01 43 54 11 79
jeudi 20 novembre 2014,    Flavien, Pauline