Jusqu’au 19 juillet 2015, une exposition sur la collection du couturier qui s’inspirait des années très particulières marquées par la Seconde Guerre mondiale, et, pire, de l’Occupation allemande... Sulfureuse, avec ses épaules carrées, ses maquillages outrés, elle lançait un courant rétro avec ampleur et violence.
Ce fut un défilé très spécial qui choqua aussi bien les plus de 200 invités que les critiques et les journalistes. D’autant qu’Yves Saint Laurent revendiqua clairement qu’il s’était inspiré de cette élégance-là, celle des années honnies quand l’occupant allemand était à Paris chez lui, en vainqueur. Le Figaro soulignait le 31 janvier 1971 de façon mélodramatique l’écart de style d’un couturier "qui a la nostalgie de cette époque... et l’excuse de ne pas l’avoir connue".
Et Saint Laurent répliquait : "Ce que je veux ? Choquer les gens, les forcer à réfléchir. (...) Les jeunes, eux, n’ont pas de souvenirs."
Pour Olivier Saillard, la collection avec ses 80 modèles, pourtant préventivement nommée "Libération", "faisait entrer avec fracas la mode dans son histoire contemporaine". Ne fut-ce pas l’une des toutes premières mode rétro de l’histoire de la Haute Couture ? Celle qui brisa le carcan de l’académisme, et lui permettait enfin d’aller batifoler dans la cour de récréation du travestissement, de l’image, du jeu et du spectacle.
Manteau de renard vert. Collection haute couture printemps-été 1971. Photo Sophie Carre
Alors que la mode elle-même qui la précédait, celle des cours, comme celle des coquettes, avait eu de tout temps cette pratique, qui rappelant le vaporeux des robes, les poitrines offertes aux regards, les ports de tête magnifiés, les bijoux d’antiques civilisations, ou la plumasserie d’autre continent.
Il est vrai que, depuis Saint Laurent, le perpétuel ressac de la mode s’est installé dans un cycle systémique qui n’oubliera chronologiquement plus aucun emprunt. Nous pouvons lui accorder cette confiance. La roue tourne et tournera encore.
Il disait encore : "Du péplum au collant, tout a été fait et refait cent fois. Le costume hippie, c’était emprunté à l’Orient, le short, c’est emprunté aux stades et pourtant ce
sont des apports nouveaux dans la mode. Et aucun ne vient de la haute couture. La haute couture ne sécrète plus que des nostalgies et des interdits. Comme une vieille dame. Je me moque que mes robes plissées ou drapées évoquent pour des gens cultivés la mode des années 1940. L’important c’est que les filles jeunes qui, elles, n’ont jamais connu cette mode, aient envie de les porter." Et toc ! Que répondre à cela ?
Adieu, vieilles gloires et esthétique de naphtaline... quelques semaines avant le défilé, Coco Chanel qui n’avait que trop bien connu l’élégance et le luxe de la collaboration, venait de disparaitre. Parlons-en de la mode rétro des années 1940 ! Il y aurait beaucoup à en dire. Dans cette exposition, les modèles pétillent. Encore aujourd’hui.
Yves Saint Laurent. Planche de la collection haute couture printemps-été 1971
Yves Saint Laurent 1971. La collection du scandale, du 19 mars au 19 juillet 2015, à la Fondation Pierre Bergé Yves Saint Laurent, 3 rue Léonce Reynaud, 75016 Paris, 01 44 31 64 31. Métro Alma-Marceau. Ouvert tlj sauf le lundi de 11 à 18h (dernière entrée à 17h30). Fermé hors période d’exposition temporaire ainsi que les 1er janvier, 1er mai, 8 mai, 14 juillet, 15 août et 25 décembre. Exposition accessible aux personnes handicapées. 7 ou 5€ (pour les étudiants et les moins de 18 ans sur présentation d’un justificatif de moins d’un an).
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Enfin, contre l’actualité artistique qui chasse ce que l’on se croyait capable de retenir, les catalogues d’expositions peuvent avoir, quand ils sont faits avec exigence, un rôle certain à jouer.