Du 7 décembre 2016 au 10 avril 2017, à la Bibliothèque publique d’information, Espace presse, Niveau 2.
Gaston Lagaffe, créé par Franquin pour animer le Journal de Spirou, y fait sa première apparition le 28 février 1957. Le personnage aura donc 60 ans en 2017 ! De fiction ? Chacun de nous en connait quelques pincées de semblables dans son entourage immédiat, et, nous pouvons l’avouer, traverse inévitablement des moments mémorables dignes des trépidations de ce personnage de pure fiction.
Comment ce "héros sans emploi", summum de l’anti-héros et roi incontesté de la gaffe est-il si vite devenu l’un des personnages majeurs de l’épopée Spirou, a-t-il pu se répandre en albums à partir de 1960 et totaliser à ce jour plus de 900 planches, un grand classique de la BD ? Mystères et boules de gomme !
Première apparition à la "James Bond", costume, nœud pap et chaussures de ville, suivie en deux semaines d’un effondrement vestimentaire indéniable : jeans noir gros pull vert à col roulé, espadrilles, et clope au bec.
Gaston ne manque pas d’esprit. Il aime l’innovation et on lui doit entre autres d’avoir trouver le moyen de mettre le feu aux extincteurs. Respect, non ?
Son patron, Monsieur De Mesmaeker, homme d’affaires chasseur frénétique de contrats, aura, dans son environnement, bien du mal à en signer le moindre.
Au fil des années, d’indolent qu’il était (sa silhouette est en S), Gaston devient astucieux et invente divers objets et procédés destinés à lui faciliter le travail. Ses innovations se révèleront toujours au second regard désastreuses...
... et puis il y a Prunelle, le chat, et la mouette de Gaston ! Franquin adosse au fur et à mesure à la figure centrale de Gaston une galerie de personnages qui s’ancrent dans la réalité d’une époque : Mademoiselle Jeanne, timide et maladroite, qui conquiert sa féminité au fil des années 1960, Jules-de-chez-Smith-en-face et Bertrand Labévue, dont le caractère s’affine au fil des planches, l’agent Longtarin, qui personnalise l’arbitraire et l’autoritarisme.
Gaston Lagaffe pourrait être une francisation pour enfants et ados du personnage du beatnik américain. Le livre de Jack Kerouac On the Road qui fait connaître la Beat Generation, lui est contemporain. Hasard ? Le Centre Pompidou vient de présenter une exposition sur ce mouvement radical d’émancipation, de vie libre et non-conformiste. Seule l’usage de la drogue manquait pour compléter le portrait, mais Spirou...
On retrouve encore d’approchant chez Lagaffe le pacifisme, le refus de travailler, le non-conformisme voire l’excentricité, l’amour du jazz et de la vie de bohème, ainsi que des stéréotypes vestimentaires comme les cheveux longs, le béret, les sandales, le duffel-coat, les blue jeans et les cols roulés.
À sa manière prudente de rendre son héros tout de même fréquentable, Franquin en fait l’annonciateur du Grand Duduche de Cabu, lui aussi proche de l’esprit beatnik quelques années plus tard.
L’exposition de la BPI posera un nouveau regard sur l’importance prise par Gaston Lagaffe, qui projettera son créateur bien au-delà de la BD jeunesse.
Avec le recul, il est donc devenu aujourd’hui évident que ce personnage n’était rien moins que subversif, militant, beatnik, écolo, et au final porteur des grands questionnements de notre époque, et sur nos manières de vivre en société.
Agressif ? Pas vraiment. Pour l’éternité Gaston reste le symbole d’une certaine paresse, mais les trésors d’ingéniosité qu’il déploie pour rationaliser ses moindres mouvements dépassent largement les aptitudes d’un flemmard ordinaire.
Tel Alexandre-le-Bienheureux, dont le personnage était interprété par Philippe Noiret dans le film d’Yves Robert, Gaston élève la notion de sieste au rang de véritable art de vivre et renvoie les fausses urgences de l’époque au rang d’accessoires.
Planches et éditions originales, dessins inédits, photographies, inventions et gags en tous genres permettront de redécouvrir un Gaston si proche de chacun de nous, derrière lequel débordent tout le talent et l’audace d’André Franquin.
Conçue avec le concours de Frédéric Jannin (dessinateur de bande dessinée, auteur de la série Germain et nous, et contributeur au Trombone illustré, aux côtés de Franquin, Peyo, Brétécher, Gotlib...) et de Christelle et Bertrand Pissavy-Yvernault (auteurs chez Dupuis de Yvan Delporte, rédacteur en chef, et de la série en cours La véritable histoire de Spirou), l’exposition élaborée par la BPI s’inscrit en écho au programme éditorial de l’anniversaire de Gaston, dont le point d’orgue sera la nouvelle édition de la série Gaston, en 21 volumes (1957-1991), avec des couleurs restaurées, et la publication d’un catalogue d’exposition largement documenté.
Gaston : au-delà de Lagaffe, exposition gratuite du 7 décembre 2016 au 10 avril 2017, à la Bibliothèque publique d’information, au Centre Pompidou, Espace presse, Niveau 2, 01 44 78 43 51. Entrée libre, deux accès. Bibliothèque par la rue Beaubourg, et Centre Pompidou par la piazza, avec le billet "expositions" (0€). Métro Hôtel de Ville, Rambuteau. Ouverte de 12 à 22h, les lundi, mercredi, jeudi, vendredi, et de 11 à 22h les samedi, dimanche et jours fériés. Fermé le mardi.
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Contre l’actualité artistique qui chasse ce que l’on se croyait capable de retenir, les catalogues d’expositions peuvent avoir, quand ils sont faits avec exigence, un rôle certain à jouer. Nous établissons, au fur et à mesure de leur publication, notre sélection des catalogues d’expositions 2017 de Paris, comme nous l’avons fait les années précédentes : 2016,,2015,2014,2013,2012.