Cité de l’Immigration et politique : le « pourquoi » et le « comment »
Mercredi 10 octobre 2007, la Cité Nationale de l’Histoire de l’Immigration ouvrait ses portes dans la grandiose enceinte du Palais de la Porte Dorée, à Paris. Dans le contexte actuel de durcissement des mesures vis-à-vis des immigrés, cette institution, qui fait la part belle à leurs difficultés, au déracinement et à la richesse d’une mixité culturelle, est un véritable ovni.
Un projet de longue date
L’ouverture de la Cité de l’Immigration lance un pavé dans la mare du gouvernement ; elle était cependant inéluctable. Il y a plus de quinze ans déjà, l’idée d’un musée national dédié à l’histoire de l’immigration avait été abandonnée par le gouvernement mitterrandien face à la montée en puissance des milieux d’extrême-droite. Tandis que de nombreux pays d’Europe possédaient des musées et institutions consacrés à l’histoire et à l’étude des migrations et des communautés, recensés depuis 1996 par l’Association of European Migration Institutions (AEMI) basée au Danemark, en juillet 2004, Jean-Pierre Raffarin, alors Premier ministre, donnait son feu vert à l’installation de la Cité de l’Immigration dans le Palais de la Porte Dorée. Longuement mûri sous la présidence de Jacques Chirac, le projet ne pouvait dès lors qu’aboutir. 20 millions d’euros ont été débloqués par l’État au réaménagement du Palais et le chantier inauguré en 2006.
Un contexte difficile
Mais les idées et la politique menée de plein fouet depuis son élection par le Président Sarkozy envers et contre les immigrés, contrastent singulièrement avec les ambitions qui ont présidé à la réalisation de la Cité. De ce fait, et pour protester contre la création du très controversé Ministère de l’Immigration, de l’Intégration et de l’Identité nationale, huit historiens ont démissionné des instances de la Cité de l’Immigration le 18 mai. Nicolas Sarkozy tient en effet ses promesses électorales. Le projet de loi sur l’immigration a été adopté le 20 septembre, qui prévoit une connaissance de la langue française préalable à toute installation sur le territoire, des ressources salariales minimales pour faire venir les proches, des test ADN réalisés aux frais des familles pour vérifier la filiation et, bien entendu, des « mesures de la diversité des origines des personnes », ainsi qu’un recensement des zones d’immigration jugées « prioritaires » afin de réaliser au mieux l’objectif de la fameuse « immigration choisie ». Jeudi 8 novembre, Brice Hortefeux, Ministre de l’immigration et de l’identité nationale, annonçait le bilan de 18.600 « éloignements » – entendez expulsions – pour les dix premiers mois de 2007 (depuis mai, c’est 30% de plus qu’en 2006), sans toutefois dire si les 25.000 prévus par l’Elysée pour cette année seraient atteints. La veille, Doudou Diène, le rapporteur spécial de l’ONU sur le racisme, accusait le Président français de s’être inscrit dans « une dynamique de légitimation du racisme ».
Une vision alternative sur l’immigration
La Cité de l’Immigration, elle, bien que placée sous la tutelle conjointe du Ministère de la Culture et du Ministère de l’Immigration et de l’Identité nationale, aspire à changer le regard citoyen et médiatique sur l’immigration et les immigrés. Pilier central des nombreuses activités de la Cité, le musée présente une exposition permanente, « Repères », qui couvre deux siècles d’histoire de l’immigration en France. Outre ses dimensions explicative et de témoignage, elle participe d’une démarche engagée de prise de conscience collective des réalités auxquelles sont confrontés les immigrés : quête d’identité, déracinement, difficultés sociales… On citera notamment, parmi les œuvres regroupées par thématiques, dans « Face à l’état » : la série de photographies de Bruno Serralongue, qui a suivi pendant un an la manifestation hebdomadaire des sans-papiers de la Place du Châtelet, dans « Terre d’accueil, France hostile » : les caricatures de Wolinski et Plantu et dans « Lieux de vie », la fameuse installation de Barthélémy Toguo : Climbing down, une vision de l’artiste sur les conditions de vie en foyer d’accueil. Loin de s’inscrire dans une démarche dénonciatrice, le musée ambitionne plutôt de donner la parole à des histoires personnelles qui, parce qu’elles reflètent l’histoire de la France depuis deux siècles et de 25% de sa population, nous concernent tous.
Néanmoins, cette vision alternative explique sans doute pourquoi Nicolas Sarkozy a boudé l’inauguration d’une institution au projet si vaste et au rayonnement d’une telle ampleur. En ses lieu et place, des visites de courtoisie ont été accordées par les ministres de tutelle Christine Albanel, Ministre de la culture et Brice Hortefeux. De fait, la Cité a été inaugurée par et pour le peuple : 22000 visiteurs durant les trois jours ayant suivi l’ouverture, et des espoirs de progrès et d’ouverture irrépressibles.
Eléna Volochine
La médiathèque Abdelmalek Sayad
La première médiathèque en France spécialisée dans les thématiques de l’histoire, la mémoire et les cultures de l’immigration.
Portant le nom du sociologue Abdelmalek Sayad auquel elle rend hommage, c’est un lieu d’information, de documentation et de détente ouvert à tous, qui s’adresse à un large public : universitaires et professionnels du champ social, étudiants et scolaires, public familial. Elle propose 80 places en accès libre et gratuit pour consulter 20 000 références : 10 000 ouvrages (dont 500 livres jeunesse), 8 000 articles de périodiques, 1 000 films (documentaires ou fictions), des témoignages écrits et sonores, des bases de données.
Tarifs : Plein tarif : 5 €, tarif réduit : 3,5 €. Inclut la visite de l’exposition permanente. - Gratuit pour les moins de 26 ans et pour tous les 1er dimanche du mois.
01.12.2016
À la Cité de l'Histoire de l'immigration, du 9 décembre 2014 au 28 juin 2015 (prolongation), l'exposition Fashion Mix rend hommage aux créateurs d'origines étrangères venus enrichir la mode en France, qu'ils aient été russes, arméniens, italiens, espagnols, japonais, belges...
Fin avril 2015, l'exposition, qui est formidable et rencontre un succès considérable, avait déjà reçu quelque 67 000 visiteurs