Immeuble industriel au n° 124 rue Reaumur

Au tournant du XXe siècle, la rue Réaumur sera à Paris le principal chantier de la capitale et un véritable laboratoire de l’architecture commerciale. Le quartier est principalement dévolu aux activités de la presse (bureaux et imprimeries) et du commerce de gros (ateliers de finition textile, entrepôts, points de vente).

La question principale qui se pose aux architectes est "comment à la fois fabriquer et vendre" dans un même bâtiment ? Certains architectes choissisent alors de masquer la fonction commerciale en édifiant de belles compositions éclectiques (assez chargées fatalement). D’autres, au contraire, cherchent à se dégager du modèle bourgeois et mettent à profit les nouveaux moyens techniques qui s’offrent à eux.

L’immeuble du n° 124, le plus célèbre de la rue Réaumur, appartient à cette 2e catégorie. L’architecte, Georges Chédanne, reçoit en 1903 cette commande du baron Schilde ; la fonction est d’abriter les activités d’un consortium de fabricants en soieries. Deux objectifs devant être respectés : assurer un maximum d’éclairage et accepter des charges lourdes (1.500 kg/m2).

Chédanne va opter pour une façade audacieuse, entièrement métallique. Jusqu’au 4e étage, la surface, plane, de chaque niveau, est séparée des autres niveaux par une large bande de tôle. De minces poutrelles métalliques animent verticalement la façade et en assurent l’armature. c’est au 4e étage que l’édifice s’anime curieusement : 3 bow-windows reposant sur des consoles métalliques contrastent soudainement avec la planéité de la façade.

Bien que référence de l’architecture industrielle, ce magnifique immeuble revendique également une inspiration Art Nouveau évidente : jeu de courbes et contre-courbes métalliques au rez-de-chaussée sont une référence formelle à l’art floral, caractéristique de l’Art Nouveau.

Le bâtiment devient de 1944 à 1973 le siège du journal le Parisien Libéré. c’est aujourd’hui un ensemble de bureaux.

Franck Beaumont