L’État s’était très vite mis au diapason de l’émotion de la Bibliothèque nationale de France. Il est vrai qu’il fut un temps question de voir les archives du pape situationniste Guy Debord s’exiler vers les Etats-Unis, plus précisément à l’Université de Yale, dans laquelle un Centre de recherche travaille sur les avant-gardes.
Il ne pouvait en être question ! Et c’est ainsi, l’affaire ne manque pas de piquant, que le ministère de la Culture décréta au JO du 29 janvier 2009 cet ensemble « trésor national  » ! Un peu comme au Japon. Pensez donc ! Un des derniers grands penseurs français du XXe siècle !
Non seulement ainsi la catastrophe annoncée a pu être évitée, mais bien mieux encore : les archives de Guy Debord (1931-1994) viennent de pénétrer, l’image est osée à plus d’un titre, au département des manuscrits de la BNF.
Quel spectacle ! Que d’honneurs ! Qu’en aurait-il pensé ?
Sa légataire universelle, Alice Debord, s’était vu proposer une belle somme par l’Université de Yale. Que faire ? La BNF et le Cercle de la Bibliothèque organisèrent dans la précipitation un dîner de mécènes, puis un appel à mécénat d’entreprises fut lancé en février 2010 : 1,08M€ fut finalement rassemblé !
Et que contient ce fonds « Guy Debord  » ?
– des versions originales de ses écrits et de ses films ;
– une importante correspondance ;
– des fiches de lecture ;
– des objets personnels ;
– sa bibliothèque personnelle, dont les volumes sont classés par lui par thèmes : marxisme, stratégies et tactiques militaires, etc ;
– Et une masse de documents sur l’Internationale situationniste.
Pour la BNF, les ennuis ne font que commencer. Où l’œuvre de Debord sera-t-elle rangée ? Au moins, la Bibliothèque nationale peut-elle avoir l’ambition et les moyens d’organiser une superbe exposition, et de tout rendre rapidement accessible aux Internautes !
Guy Debord se suicida d’une balle dans le cœur le 30 novembre 1994. Il écrivait en 1978 : « J’ai mérité la haine universelle de la société de mon temps  ». Il aurait été certainement pétrifié et incrédule de voir ainsi son œuvre couverte d’autant de lauriers et d’encens…
Il avait repris en titre de film un vers de Virgile, un palindrome :
« In girum imus nocte et consumimur igni.  »
« Nous tournons en rond dans la nuit et nous sommes dévorés par le feu.  »
André Balbo
sources : Libération, Guy Debord, Virgile, JO