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La résurrection de Guy Debord, situationniste, poète et stratège, à la BnF, touche à sa fin...

mercredi 15 juin 2016, par Expositions

La BnF, site François Mitterrand, présente du 27 mars au 13 juillet 2013 une exposition, que dis-je, une rétrospective, aride mais formidable, qui fera date : "Guy Debord, un art de la guerre". Par pudeur ou par auto-censure, les commissaires ont fui le spectaculaire. La mise en scène de Mai 68 est aseptisée et la couleur assez absente de l’ensemble. Mais il faut absolument y aller, bien sûr.

Guy Debord, La Sociè tè du spectacle Paris, EÌ ditions Champ Libre, 1971 Imprimè BnF, dpt. Manuscrits, fonds Guy Debord

"En 1954, j’étais bien optimiste", disait Debord de lui-même, lui dont le panthéon intime se résumait peut-être, timidité suprême d’un maître stratège, à 3 losers magnifiques : le consul alcoolique Geoffrey Firmin, de Malcolm Lowry (Au-dessous du Volcan), l’efflanqué chevalier errant utopique Don Quichotte, de Miguel Cervantes, et l’oncle Toby, blessé au siège de Namur, dont la tête était pleine de science militaire mais le cœur tendre comme une madeleine.

Comme si ce combat ne pouvait être que perdu... Mais deux de ses phrases mériteraient d’être mises en exergue : "Viser la guerre longue", et "À reprendre depuis le début", comme si la révolution n’était elle-même qu’un palindrome, ou la navette d’un métier à tisser.

« Pour savoir è crire, il faut avoir lu. Et pour savoir lire, il faut savoir vivre  ». (Guy Debord)

Quelle histoire ! Un frisson de glace avait parcouru l’échine de la Bibliothèque nationale de France, quand il fut question que l’ensemble des archives du pape situationniste Guy Debord soit expatrié vers les États-Unis, précisément à l’Université de Yale (New Haven, Connecticut), où un Centre de recherche travaille benoîtement sur les avant-gardes.

L’État français s’en émût aussitôt, en résonance, et c’est ainsi (l’affaire ne manque pas de piquant !), que le ministère de la Culture décrétait, dans le Journal Officiel du 29 janvier 2009, cette somme « trésor national  » ! Un peu comme cela se fait au Japon, mais reconnaissez qu’en France l’affaire est beaucoup plus rare. Pensez donc ! Un des derniers grands penseurs français du XXe siècle !

Tract d’annonce de la parution de l’Internationale situationniste Photographie anonyme, n°4, Juin 1954 BnF, dpt. Manuscrits, fonds Guy Debord

Non seulement la promptitude de cette réaction permettait d’éviter la catastrophe annoncée, mais, mieux encore, les archives de Guy Debord (1931-1994) allaient irrémédiablement pénétrer par ce procédé le saint des saints : le département des manuscrits de la BnF.

Que d’émotions ! Que d’honneurs ! Qu’en aurait-il pensé, ce bon vieux Guy ?

Sa veuve, seconde épouse et légataire universelle, Alice Debord, s’était vue malgré tout proposer une belle somme par l’Université de Yale. Que faire ? La BnF et le Cercle de la Bibliothèque organisèrent aussitôt un dîner de mécènes, puis un appel à mécénat d’entreprises fut lancé en février 2010. 1,08M€ fut finalement rassemblé, et, en 2011, la BnF faisait enfin cette acquisition majeure !

Et que contient ce considérable et conséquent fonds « Guy Debord  » ?
 Des versions originales de ses écrits et de ses films ;
 une importante correspondance ;
 des fiches de lecture ;
 des objets personnels ;
 sa bibliothèque, dont les volumes avaient été classés par lui par thèmes : marxisme, stratégies et tactiques militaires, etc ;
 et bien sûr quelques éléments sur la période lettriste, et une masse de documents sur l’Internationale situationniste.

Tract d’annonce de la parution de l’Internationale situationniste n°4, Juin 1954 BnF, dpt. Manuscrits, fonds Guy Debord

Et c’est ainsi que la BnF eut très vite l’idée et l’ambition, puisqu’elle en avait acquis les moyens, d’organiser d’une part l’exposition exceptionnelle que voilà, et de rendre rapidement cet incroyable corpus accessible aux Internautes !

Guy Debord, qui se suicida d’une balle dans le cœur le 30 novembre 1994, fut l’initiateur de deux mouvements d’avant-garde : l’Internationale lettriste (1952-1957), et l’Internationale situationniste (1957-1972).

Il écrivait en 1978 : « J’ai mérité la haine universelle de la société de mon temps  ». Il aurait été certainement pétrifié et incrédule de voir ainsi son œuvre si vite couverte d’autant de lauriers, d’embaumements et d’encens…

Il avait repris comme titre de l’un de ses films un vers de Virgile, en forme de palindrome : « In girum imus nocte et consumimur igni.  » (Nous tournons en rond dans la nuit et nous sommes dévorés par le feu).

"Paris, 1953, au fond de la rue de Seine, un jeune homme écrit sur un mur en hautes lettres : Ne travaillez jamais ! Guy Debord n’a jamais travaillé. Il a beaucoup marché dans les rues de Paris, bu et lu, certainement plus que d’autres, et a forgé dans ses œuvres, écrites ou filmées, les armes théoriques d’une critique sans concession de la société moderne."

Ou la pensée situationniste expliquée en bibliothèque...

"Poète, artiste, penseur rè volutionnaire, directeur de revue et cinè aste, Guy Debord livre, avec ses archives, non seulement l’histoire d’une œuvre, mais aussi celle d’aventures collectives dont il se fit souvent le stratège.

L’exposition racontera la thè orie, les pratiques et les combattants d’une lutte ininterrompue contre la sociè tè du spectacle.

Internationale situationniste, confè rence de Munich, avril 1959 De gauche à droite : Giors Melanotte, Giuseppe Pinot-Gallizio, Hans-Peter Zimmer, Maurice Wyckaert, Asger Jorn, Gretel Stadler, Helmut Sturm, Heimrad Prem, Armando, Constant, Guy Debord, Har Oudejans. Photographie anonyme BnF, dpt. Manuscrits, fonds Guy Debord

Outre les manuscrits, tracts, affiches, documents prè paratoires des films, photographies, œuvres de Guy Debord et de ses compagnons de route, l’exposition prè sente l’ensemble inè dit de ses 1 400 fiches de lecture cartonnées où figuraient pantelantes des citations de Marx, Clausewitz, Machiavel ou Hegel, véritable centre permanent de l’œuvre et miroir d’une vie, disposées comme le cœur qui fut battant d’une centrale nucléaire révolue, au centre de toute circulation dans l’exposition. Autant de documents qui permettront de mieux comprendre le parcours d’un auteur dont les thèses continuent de porter le fer contre nos sociè tè s contemporaines."

Vous découvrirez aussi les détournements de films asiatiques réalisés par René Vienet, comme "Une Petite Culotte pour l’été" ou "La Dialectique peut-elle casser des briques"... et bien rangés sur un grand damier vertical les individus qui constituèrent l’I.S., bien rangés, identifiables, photographiés.

Le jeu de stratégie que Debord avait inventé, jeu de guerre de mouvements permanents, dans lequel il s’agit de rompre les lignes de communication de l’adversaire et de réduire ses arsenaux, trône en fin de parcours...

Durant l’exposition, les 6 films de Debord sont en accès libre pour les visiteurs.

Les commissaires sont Laurence Le Bras, conservateur, du dè partement des Manuscrits, et Emmanuel Guy, chargè de recherches documentaires, dè partement des Manuscrits, tous deux à la BnF.

Guy Debord, un art de la guerre, à la BnF, site François Mitterrand, Grande Galerie, quai François-Mauriac 75013 Paris, métro Bibliothèque François-Mitterrand, ou Quai de la Gare, du 27 mars au 13 juillet 2013. Du mardi au samedi de 10 à 19h, dimanche de 13 à 19h ; 7 et 5€.

Vous retrouverez dans les articles 2012 à Paris : les grandes expositions de A à Z et 2013 à Paris : LES GRANDES EXPOSITIONS de A à Z  » les différentes expositions 2012 et celles de 2013 déjà annoncées par leurs établissements et musées.

Frederic Leighton (1830–1896) Crenaia, the nymph of the dargle, ca. 1880 Huile sur toile 76.2x26.7 cm Colección Pérez Simón, Mexico © Arturo Piera, Musée Jacquemart-André 09/13-01/14

Dans les articles Calendrier 2012 des grandes expositions à Paris, et CALENDRIER 2013 des grandes expositions à Paris, ces mêmes expositions sont classées par dates.

Nous nous efforçons de tenir ces articles à jour, et nous vous remercions des suggestions, précisions, ajouts et corrections que vous pourriez apporter à ces programmes.

Nous vous indiquons chaque semaine les nouveautés, les expositions qui fermeront bientôt leurs portes, et... nos préférences, car on ne se refait pas : "LA SEMAINE des expositions, musées, et galeries : que faire à Paris du...".

Nous tenterons aussi de vous les présenter chaque mois, à partir de Février 2013.

Enfin, contre l’actualité artistique qui chasse ce que l’on se croyait capable de retenir, les catalogues d’expositions peuvent avoir, quand ils sont faits avec exigence, un rôle certain à jouer. Nous avons établi notre sélection, pour Paris, des MEILLEURS CATALOGUES des expositions 2012, celui de cette exposition en fait partie, en vous indiquant en plus les nominés, et les primés au Prix CatalPa 2012 pour les catalogues d’expositions de Paris.

Nous procéderons de la même manière en 2013, avec Paris 2013 : LES MEILLEURS CATALOGUES des expositions de Paris.

Celui de cette exposition en fait partie.

André Balbo

sources : visite, BnF, Libération, Guy Debord, Virgile, JO

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