"Toute ma vie je me suis amusé, je me suis fabriqué mon petit théâtre."
Comme tous les familiers de la rue, Doisneau a su fixer cette gravité rayonnante qui isole un être humain de la foule, ces moments de grâce qui rassemblent des passants dans « l’illusion d’un instant  » comme dans une géométrie de rêve.
Jean-François Chevrier
Longtemps Robert Doisneau a été perçu comme le chantre du pittoresque parisien.
Illustrateur de génie, il a su comme personne saisir l’image agréable, l’anecdote inattendue : on a reconnu en lui le professionnalisme et la poésie simple de l’instantané.
Mais l’oeuvre de Robert Doisneau est infiniment plus complexe.

L’exposition de la Fondation Cartier-Bresson propose une sélection d’une centaine
d’épreuves originales, choisies en majorité parmi les trésors de son atelier et dans diverses collections publiques ou privées. Les images présentées ont été réalisées entre 1930 et 1966 à Paris et dans sa banlieue. Cette relecture tend à montrer comment Robert Doisneau est passé « du métier à l’oeuvre  » ( expression est de Jean-François Chevrier), avec une gravité insoupçonnée, en inscrivant sur la pellicule un monde dont il voulait prouver l’existence.
C’est toujours en ironisant sur lui-même, que Doisneau abordait son travail, qui
n’était pour lui que l’antidote à l’angoisse de ne pas être. Jongleur, funambule, illusionniste pour encore plus de réalisme, tel est le paradoxe trompeur de celui qui voulait « réussir ses tours comme le font les artistes du trottoir  », avec la lucidité pudique d’un artiste malgré lui.
Photo : Doisneau le nez au carreau 1953