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DERNIERS JOURS au Petit Palais : Jordaens serait-il un grand de la peinture hollandaise ?
lundi 6 mai 2019, par
Pierre Paul Rubens et Antoine Van Dyck sont reconnus comme les maîtres incontestés de la peinture flamande du XVIIe siècle. Tout comme Jacob (ou Jacques) Jordaens mériterait peut-être aussi de l’être un jour... Moins connu qu’eux en France, il n’avait jusqu’alors pas bè nè ficiè d’une rè trospective d’importance. Réparation est faite avec cet événement au Petit Palais, qui permet amplement de juger l’artiste, ou son atelier, sur pièces.
Rubens, lorsqu’il croulait sous les commandes, ne s’en déchargeait à regret qu’auprès de ses élèves les plus sûrs : Van Dyck et Jordaens.
Jacques Jordaens. Autoportrait de l’artiste avec sa femme Catharina van Noort, leur fille Elisabeth et une servante dans un jardin (1621-1622)
L’exposition "Jordaens, la gloire d’Anvers" devient, dans la programmation des musées de la Ville de Paris, l’événement majeur de la saison dans le domaine de la peinture ancienne. L’effort est patent : les prè‚ts de quelque 120 œuvres exceptionnelles ont été consentis pour l’occasion par les plus grands musè es français et internationaux (Russie, États-Unis, Suède, Hongrie, Israël, Espagne et Autriche).
Il y eut bien l’exposition collective " Rubens, Van Dyck, Jordaens et les autres " au musée Marmottan, jusqu’au début 2013, mais là, l’événement prend pour Jordaens une toute autre dimension...
Le chemin se fait par catégories d’œuvres, par thèmes, la chronologie se glissant dans chacun.
Jacques Jordaens (1593-1678) a pu mener à Anvers une carrière particulièrement prolifique et longue, survivant de 38 années à Rubens. Il deviendra, par des commandes et une production titanesques, l’un des bourgeois les plus riches de la ville. L’artiste brossait avec une apparente facilité de vastes toiles aux couleurs è tincelantes, avec le renfort d’un atelier rodé aux commandes, et rangé en ordre de bataille. Cela lui permettait, de fournir l’Europe aussi bien en tableaux d’autel qu’en grandes compositions mythologiques.
Les productions de ce peintre, par leur abondance et la splendeur de leurs coloris, maintinrent un temps le prestige artistique d’Anvers, qui pourtant perdait alors progressivement son statut envié de capitale du Continent, quand dans son port affluaient encore les marchandises du monde entier, et avant que les guerres de religion et la sè cession des Provinces-Unies du Nord n’entraiÌ‚nassent son dè clin è conomique et ne la vident d’une grande partie de sa population.
On est très sincèrement surpris à la vue de ces tableaux imposants et précieux par la richesse et par la variè tè de l’inspiration dont faisait preuve Jacques Jordaens, passant allègrement et avec une apparente facilité des portraits de famille aux grandes compositions religieuses, des fameux Proverbes et scènes de banquet (Le Roi boit !) aux cartons de tapisseries, et cela d’autant plus que ce grand bourgeois n’aura presque jamais quittè sa ville natale d’Anvers, même pour accomplir le rituel voyage en Italie comme tout artiste qui se respectait.
En revanche, peintre de genres et de portraits, il aura su se nourrir élégamment et s’inspirer des talents de nombreux peintres. Comme Brueghel l’Ancien, pour les scènes campagnardes, Rubens pour la monumentalité et la théâtralité historique, ou le Caravage pour l’emploi dramatisant de la lumière. Comme également il pouvait faire son miel des rendus des maiÌ‚tres vè nitiens de la Renaissance, ou même puiser son inspiration jusque dans l’hè ritage antique.
Un doute pourtant subsiste, et il est d’importance. Cette production si considérable et si variée a bien été signée Jordaens. Mais quel rôle y tenait-il personnellement ?
La partie la plus riche et réussie de l’exposition, selon moi, est dans la petite salle des Esquisses, dessins et graphiques, et là, son talent est indubitable.
Le trait y est sûr, vif, les visages et les attitudes sont expressifs et naturels, le sujet est parfaitement croqué et défini.
Même quand il n’était encore que le jeune élève de Rubens, pour la Descente de croix que réalisera le maître après l’avoir amendé, le traitement est impeccable. Son étude de tête pour Sainte Apolline (1628) est une vraie merveille, de même que le mouvement de l’aquarelle et gouache de Jésus chassant les marchands du Temple (1645-1650) est digne des plus grands peintres.
Mais une fois ce doute installé, on ne sera plus surpris de déceler au fil des cimaises et dans de nombreux tableaux exposés quelques imperfections agaçantes : des têtes ressorties d’un considérable fonds d’études, des changements de genres et de tons sur une même œuvre, des différences dans les qualités de traitement, et des thèmes best-sellers répétés à l’envi comme Le Satyre et le paysan, Suzanne et les vieillards, ou Le Roi boit.
Dès que le tableau n’est ni un portrait ni une scène allégorique et glorifiante, des visages simiesques et grimaçants apparaissent au coin des toiles, comme si l’ensemble de l’atelier se relâchait, tel un acteur qui ne serait pas suffisamment dirigé.
Là réside peut-être une clé de lecture particulière. Les peintures de genres ne méritaient pas le sérieux que l’on devait à la peinture historique, placée tout en haut de l’échelle. Peut-être ses assistants ne s’autorisaient pas le sérieux et l’égalité de ton dans un même tableau.
Par ailleurs il est vrai que dans plusieurs domaines du jeu, il ne peut être nié que Rubens supplante Jordaens haut la main : les portraits (il tenait fermement ce marché), les peintures historiques (le maître y était au sommet de son art), et son érudition en mythologie et en proverbes était indépassable.
Mais ces raisons suffisent-elles à ne pas avoir la curiosité d’explorer les territoires souvent méconnus de ce grand peintre flamand qu’était Jordaens, ou du moins de son atelier ? Nos grands artistes contemporains ne sont-ils pas eux aussi à la tête d’importantes équipes d’assistants ?
L’exposition est intéressante, d’une grande diversité, originale, et elle peut être de plus très habilement prolongée par la visite de l’exposition-dossier Rubens - Van Dick, estampes / Collections permanentes, au niveau bas, salle 25, qui est d’accès libre.
Jacob Jordaens. Le Roi boit
Jordaens (1593-1678), la Gloire d’Anvers, du 19 septembre 2013 au 19 janvier 2014 au Petit Palais, av. Winston Churchill, 75008 Paris, 01 53 43 40 00. Mè tro Champs-EÌ lysè es Clè menceau. www.petitpalais.paris.fr, du mardi au vendredi de 10 à 12h et de 14 à 16h. 11 / 8 / 5,50 euros. Gratuit jusqu’à 13 ans inclus.
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Frederic Leighton (1830–1896) Crenaia, the nymph of the dargle, ca. 1880 Huile sur toile 76.2x26.7 cm Colección Pérez Simón, Mexico © Arturo Piera, Musée Jacquemart-André 09/13-01/14
Dans CALENDRIER 2013 des grandes expositions à Paris, ces mêmes expositions sont classées par dates.
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Enfin, contre l’actualité artistique qui chasse ce que l’on se croyait capable de retenir, les catalogues d’expositions peuvent avoir, quand ils sont faits avec exigence, un rôle certain à jouer. Nous avons établi notre sélection, avec PARIS 2013 : LES MEILLEURS CATALOGUES d’expositions de Paris.
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André Balbo
sources : Visite, Petit Palais
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