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L’hôtel Thélusson, le chef d’œuvre parisien de Claude-Nicolas Ledoux.
vendredi 2 décembre 2011, par
Avec Etienne- Louis Boullée, Claude-Nicolas Ledoux (1736-1806) est considéré comme le plus grand architecte du style néoclassique français. Utopiste et théoricien de l’Architecture, il fut très actif en France dans la seconde moitié du XVIIIe siècle.
Si en province, ses plus belles œuvres ont traversé le temps (la saline royale d’Arc-en-Senans, classée au patrimoine mondial de l’Unesco, le théâtre de Besançon, le château de Bénouville dans le Calvados), Ledoux fut moins chanceux à Paris où la plupart de ses constructions furent détruites.
Il subsiste de lui une seule construction privée, l’élégant hôtel d’Hallwyl dans le Marais (rue Michel-le-Comte) ainsi que quatre des anciennes barrières de l’enceinte des Fermiers Généraux (Denfert-Rochereau, Nation, Monceau, la Villette).
A l’occasion de l’exposition « L’hôtel particulier, une ambition parisienne », qui se tient actuellement à la Cité de l’Architecture et du Patrimoine, penchons-nous sur sa plus belle œuvre parisienne, hélas détruite : l’hôtel Thélusson, dont la maquette est justement présentée dans l’exposition.
Dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, la Chaussée d’Antin, très à la mode, se couvre de somptueux hôtels particuliers, dont plusieurs sont d’ailleurs réalisés par Ledoux : l’hôtel de Montmorency (1769) ou l’hôtel de Melle Guimard (1770). Marie-Jeanne Girardot de Vermenoux, la veuve d’un riche banquier suisse, M. Thélusson, lui commande alors un projet grandiose. M. Thélusson était un personnage très en vue de la finance parisienne, puisqu’il avait fondé avec Jacques Necker la banque Thélusson, Necker et Cie ; sa fortune était immense. Le terrain choisi est situé entre la rue de la Victoire et la rue de Provence, dans le quartier de la Chaussée d’Antin. La construction a lieu en 1778.
Ledoux conçoit pour sa cliente un hôtel dans un environnement paysager, « entre cour et jardin  » comme à l’accoutumé, mais il inverse le plan classique : le visiteur pénètre dans la propriété par le jardin (la grande cour sera placée à l’arrière). Il doit d’abord franchir un portail en forme d’arc dorique, qui rappelle les arcs antiques à demi ensevelis. La mise en scène du jardin est stupéfiante : un rocher et une importante grotte (inspirée de Tivoli en Italie et référence à l’Antiquité) creusée dans le terrain et dotée d’une fontaine occupent le centre du jardin. Les voitures traversaient le jardin, déposaient les hôtes au pied du grand escalier et utilisaient un des deux passages sous l’hôtel pour aller se garer dans la grande cour de service à l’arrière de l’hôtel ; cette organisation était totalement novatrice à l’époque.
De plan massé, l’hôtel est axé sur un élégant avant-corps circulaire décoré d’un péristyle corinthien et contenant un salon ovale. Une grande simplicité géométrique se dégage de l’ensemble : les masses sont de formes ovales, carrées, rectangulaires. Les façades de l’hôtel sont également dépouillées à l’extrême : ce sont des ouvertures régulières animées de refends sur la pierre. De chaque côté du salon ovale, un salon de musique et une bibliothèque à droite, un salon d’automne et une chambre de parade à gauche (donnant sur le jardin). Il faut imaginer à l’intérieur les décors de stucs blancs et dorés, les peintures marouflées sur les plafonds et les murs. Enfin, une grande importance fut donnée par l’architecte aux vues de l’extérieur vers l’intérieur, et du dedans vers le dehors, multipliant les points de vue pittoresques sur la nature.
L’hôtel Thélusson connut de nombreux détracteurs car il n’était tout simplement pas conforme aux canons classiques de l’architecture française. Sa propriétaire mourut peu de temps après l’achèvement des travaux. Ses fils le mirent en location puis Napoléon 1er le fit acheter par l’Etat pour l’offrir au tsar comme ambassade de Russie. L’hôtel fut détruit lors du percement de la rue d’Artois (future rue Lafitte) en 1826.
Comme l’hôtel Lambert pour le XVIIe siècle, l’hôtel Thélusson est souvent considéré comme la plus somptueuse des demeures parisiennes du XVIIIe siècle.
Vous découvrirez également à l’exposition « L’hôtel particulier, une ambition parisienne » les maquettes de l’hôtel de Montmorency et de l’hôtel de Melle Guimard, deux oeuvres majeures du même Ledoux, également disparues.
Franck Beaumont
Sources : La Saline Royale d’Arc-en-Senans (Beaux-Arts Magazine), Dossier de l’Art "L’hôtel particulier".
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