Technicien hors pair maîtrisant parfaitement l’instantané photographique, Lansiaux opère sur le vif, au plus près de son sujet. Son observation précise, vivante, pleine d’empathie, évoque avec trente ans d’avance la proximité chaleureuse d’un Doisneau.
A la fin du XIXe siècle, Charles Lansiaux découvre la photographie en autodidacte. C’est à cette époque que la plaque sèche, les appareils portatifs ou la photographie scientifique révolutionnent la pratique de l’enregistrement visuel.
Lansiaux se fait remarquer dès le début des années 1890 par plusieurs travaux expérimentaux sur la lumière artificielle, l’agrandissement ou la prise de vue ultra-rapide. Il s’installe comme photographe professionnel en 1903 dans le XIVe arrondissement, et fonde la revue Photo-Index en 1907. Sa raison sociale souligne sa spécialisation dans les applications documentaires et les techniques d’avant-garde : "Photographie artistique et industrielle, travaux de ville, travaux d’urgence, intérieurs à la lumière artificielle, agrandissements, photographie documentaire pour amateurs".
Que nous restituent de cette réalité les photographies de Charles Lansiaux ?
Ce n’est pas le spectacle du combat qu’a enregistré Lansiaux. C’est l’expérience d’une guerre lointaine et en partie dissimulée par les autorités, ce sont ses traces au quotidien, quelquefois anecdotiques ou métaphoriques, mais aussi parfois concrètes et violentes, qu’il a fidèlement transcrites, avec une sensibilité rare. Avec lui, nous parcourons les rues du Paris d’il y a un siècle, les Parisiens s’installent dans le temps long d’un conflit indistinct, marqué par un sévère contrôle de l’information. L’espace public n’est pas un théâtre neutre, on y observe les Parisiens à la recherche des dernières informations.

Est-ce la proximité de cette approche, si peu héroïque, qui a maintenu longtemps dans l’obscurité le reportage de Lansiaux ? La surenchère patriotique de l’après-guerre rendait probablement ces images inutilisables. Il aura fallu attendre un changement profond de perspective et une vision critique du rôle des conflits dans l’histoire pour retrouver le sens intact de ce témoignage. Largement méconnu jusqu’à cette exposition, Lansiaux prend place dans la lignée des grands photographes de Paris, comme un chaînon manquant entre Atget et Doisneau.
Rendez-vous à la Galerie des Bibliothèques de la Ville de Paris