Talents, intelligence, humour... et climat érotique. En visitant cette exposition on comprend un peu l’extraordinaire aura dont Marcel Duchamp (1887-1968) est entouré pour une grande part des artistes modernes, et cela mondialement. Il s’agit à n’en pas douter d’une des figures les plus emblè matiques de l’art du XXe siècle.
Le Centre Pompidou, cultivant le contre-pied, réalise pour la première fois l’exposition d’une centaine de tableaux de, et autour de, Marcel Duchamp, qui lui-même était très joueur, ou pour le moins mutin. Cette approche, monographique, contextuelle et volontairement paradoxale, invite le visiteur aux réflexions qu’imposent cette suite de dessins et de tableaux de celui qui aurait, avait-on dit à l’envi, tuè définitivement la peinture.

Marcel Duchamp. L.H.O.O.Q, 1919, readymade rectifié. Collection particulière © succession Marcel Duchamp / ADAGP, Paris 2014
Il avait dit en effet : "Le peintre à succès doit produire : alors, il se répète, à l’infini, et il peint des pommes, encore des pommes et toujours des pommes. C’est souverainement embêtant".
Ces créations allaient mener pas à pas Marcel Duchamp, presque consciencieusement, à la rè alisation de son grand œuvre, La Mariè e mise à nu par ses cè libataires, mè‚me, commencè en 1910, dè clarè inachevè e par l’artiste en 1923, et communè ment appelè aussi Grand Verre.
Cet ensemble représente presque toutes ses œuvres dessinées et picturales, qu’il avait méticuleusement placées entre les mains d’un petit cercle de collectionneurs, tout en rè pliquant certaines miniaturisées dans sa formidable BoiÌ‚te-en-Valise (1935-1941/1958), pour la postè ritè et ceux qu’il appellera les "regardeurs".

Marcel Duchamp, Boîte-en-Valise, 1935-1941/1958. "Au lieu de peindre quelque chose, il s’agissait de reproduire ces tableaux que j’aimais tellement, en miniature et sous un volume très réduit. Je ne savais comment m’y prendre. Je pensais à un livre, mais je n’aimais pas cette idée. C’est alors que me vint l’idée de la boîte dans laquelle toutes mes œuvres se trouveraient recueillies comme dans un musée en réduction, un musée portatif, et voilà pourquoi je l’installai dans une valise." Marcel Duchamp, 19+55.
Dessins et tableaux datent en général d’une période d’un peu plus d’une dizaine d’années, de ses tout débuts (son engagement artistique date de 1905 !) au commencement des années 1920. Mais prenons aussi en compte ses minutieuses gravures des Morceaux choisis d’après Cranach, Rodin, Courbet, et Ingres, qui datent de 1968 !

Marcel Duchamp. Le Grand Verre (La Mariée mise à nu par ses célibataires, même.) 1915 – 1923 / 1991 – 1992, 2e version. Huile sur feuille de plomb, fil de plomb, poussière et vernis sur plaques de verre brisées, plaques de verre, feuille d’aluminium, bois, acier. Moderna Museet, Stockholm © succession Marcel Duchamp / ADAGP, Paris 2014
À quelques exceptions près, ces peintures sont encore relativement peu connues en Europe. Certaines, a contrario, ont su marquer l’histoire de l’art de manière bruyante et parfois exagérée, mais... toujours justifiée, comme Nu descendant l’escalier, rejeté au Salon des Indè pendants de 1911 par ses frères (Jacques Villon et Raymond Duchamp-Villon) comme par ses amis cubistes, puis créant la polémique en 1912 à l’Armory Show de New York, ou encore L.H.O.O.Q. (1919), dont le titre fait encore aujourd’hui le délice du monde étudiant et de grands mathématiciens.
La plupart des œuvres exposées ont été prêtées au Centre Pompidou (qui avait organisé en 1977 la première rétrospective Marcel Duchamp) par le Philadelphia Museum of Arts. Elles sont souvent enrichies et rehaussées des sources livresques, picturales, scientifiques et techniques auxquelles Duchamp s’abreuvait au long de ces fécondes annè es.
Ainsi l’exposition offre-t-elle quelques clefs de lecture nouvelles pour mieux aborder une œuvre de chercheur, une œuvre manifeste et programmatique.
Des dessins humoristiques aux Nu descendant l’escalier (1 et 2), des mathè matiques au thème très récurent de la mariè e, des ouvrages de perspective aux films de Marey ou Mè liès, de l’impressionnisme au cubisme (qu’il "déthéorisa" avec application, intelligence et humour) ou au futurisme, de Cranach à de Vinci, Manet, Redon, en passant par Picabia, son ami Kupka, ou même Ingres quand il s’agira de dessin, le parcours, par des rè fè rences parfois inattendues, mais choisies comme étant savamment essentielles, invite le public à pister l’artiste sur le chemin de l’élaboration d’une des œuvres les plus riches, hermétiques et intrigantes de l’art moderne, le Grand Verre.
L’exposition dè voile les recherches picturales de ce génial touche-à-tout qu’était Marcel Duchamp, sa pè riode fauve, ses emprunts symbolistes, ses explorations (et son interprétation très personnelle) du cubisme. Il est plaisant et revigorant dans cette exposition de constater à quel point le non-sens et l’humour caractè risent son œuvre, notamment à travers les notes autographes originales de l’artiste, conservè es au Centre Pompidou.

Ulf Linde. Étant donnés : 1° la chute d’eau, 2° le gaz d’éclairage..., 1946-1966/1994-2011. Réplique à 1/10e de la dernière œuvre de Marcel Duchamp. Assisté par Bo Larsson (porte, mur, paysage), Rolf Rosenberg (lampes), P. O. Ultvedt (installations électriques) et John Stenborg. Techniques mixtes. Collection particulière.
Elle rè vèle son intè rè‚t pour la littè rature et les mots comme pour les sciences optiques, physiques et mè caniques. On dirait presque un nouveau Léonard... et cela d’autant plus en observant sa dernière et incroyable œuvre prè parè e dans le secret pendant 20 ans (1946-1966) : Étant donnè s 1° la chute d’eau 2° le gaz d’è clairage.
Marcel Duchamp, la peinture, même, du 24 septembre 2014 au 5 janvier 2015, au Centre Pompidou, 6e étage, galerie 2, 75191 Paris Cedex 4, 01 44 78 12 33, métro Hôtel de Ville, Rambuteau. De 11 à 21h tous les jours sauf le mardi. de 11 à 13€ selon période, ou de 9 à 10€.
Voir aussi Une histoire. Art, architecture, design des années 1980 à nos jours, le nouvel accrochage des collections contemporaines du Centre Pompidou.
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Vous retrouverez dans l’article 2014 à Paris : LES GRANDES EXPOSITIONS de A à Z les différentes expositions annoncées par leurs établissements et musées.
Frederic Leighton (1830–1896) Crenaia, the nymph of the dargle, ca. 1880 Huile sur toile 76.2x26.7 cm Colección Pérez Simón, Mexico © Arturo Piera, Musée Jacquemart-André 09/13-01/14
Dans CALENDRIER 2014 des grandes expositions à Paris, ces mêmes expositions sont classées par dates.
Nous nous efforçons de tenir ces articles à jour, et nous vous remercions des suggestions, précisions, ajouts et corrections que vous pourriez apporter à ces programmes.
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Enfin, contre l’actualité artistique qui chasse ce que l’on se croyait capable de retenir, les catalogues d’expositions peuvent avoir, quand ils sont faits avec exigence, un rôle certain à jouer.
Nous établissons notre sélection, avec Paris 2014 : LES MEILLEURS CATALOGUES d’expositions de Paris.
Celui de cette exposition en fait partie.
Nous vous proposons aussi une sélection d’expositions et de festivals dans les villes françaises suivantes :
– Angoulême - Arles - Avignon - Bordeaux - Dijon - Grenoble - Ile-de-France - Lens - Lille - Lyon - Marseille - Metz - Montpellier - Nantes - Nice - Ornans - Rennes - Rodez - Rouen, Le Havre - Saint-Étienne - Strasbourg - Toulouse - Tours
Et bien sûr pour Paris :
– Les Grandes Expositions 2015 à Paris de A à Z
– Calendrier 2015 des grandes expositions à Paris
peuvent déjà être consultés sur Évous.fr... et complétés, si vous disposez de plus d’informations que nous !
Et juste quelques expositions 2014 pour Bruxelles et Londres, Genève, Bâle, Amsterdam...
André Balbo
sources : Visite, Centre Pompidou