DERNIERS JOURS pour Maurice Pialat, rebelle, peintre et cinéaste : exposition et rétrospective à la Cinémathèque
De 1942 (il avait alors 17 ans...) à 1946, Maurice Pialat, formé aux Arts décoratifs de Paris, peignait.
L’Enfant ivre. Fonds Maurice Pialat. Dépôt Sylvie Pialat
La Cinémathèque française expose, grâce au dépôt fait par sa femme, Sylvie Pialat, une sélection de 33 de ses tableaux et 16 dessins : nature morte, portraits, paysages, marines et paysages urbains, certaines recelant déjà des ferments qui resurgiront dans ses films.
Seul son autoportrait était présent dans la quotidien de Pialat, accroché dans le salon. Le reste était rangé au fond d’une cave : "Maurice était un grand gardeur" dit-elle.
Maurice Pialat ne commença sa carrière de cinéaste qu’à 43 ans. Après 10 ans de galères, d’emploi de visiteur médical, de bureau chez Olivetti, d’apprentissage du métier d’acteur et de quelques projets non aboutis...
Mais il avait une conscience certaine de quelques-uns de ses talents. De l’œil qu’il avait peut-être acquis au cours de sa courte période de peintre, cadrage, usage de la lumière, qui lui avait aussi laisser une approche brusque et posée à la fois de l’usage qu’il ferait de l’esthétique.
Et il disait aussi : "Je n’écoute rien, je ne sais rien, je tourne. Quand ça se passe bien, on le sent, il est rare que le plan déçoive après. J’ai des facilités pour les scènes longues et c’est le rêve des cinéastes de ne pas s’arrêter, de filmer un seul plan".
Sylvie Pialat a par ailleurs fait don à la Cinémathèque des archives de cinéaste de son mari disparu en janvier 2003 : notes, scénarios annotés, projets non tournés (37 !, signe et preuve d’une grande ténacité), documents, correspondances, affiches et photos (nombreuses, de tournages avec, au travail, Sandrine Bonnaire, Gérard Depardieu, Isabelle Huppert, Nathalie Baye, Jacques Dutronc, ou Jean Yanne).
Gérard Depardieu et Maurice Pialat, tournage de Loulou, Étienne George, 1979.
Cette exposition sur Maurice Pialat, réalisateur de talent au caractère réputé difficile, qui s’estimait tellement l’oublié et le mal-aimé du cinéma français, retrace l’ensemble de la carrière de Maurice Pialat, depuis sa première vocation, la peinture, jusqu’à son dernier film Le Garçu, sorti en salle en 1995.
Des correspondances, parfois inédites, font aussi apparaître des actrices ou acteurs un temps envisagées pour certains rôles, comme Simone Signoret pour La Gueule ouverte, par exemple. Lettre manuscrite merveilleuse de l’actrice, de tact et de sensibilité, dans laquelle elle explique à Pialat, après avoir vu son film projeté, qu’elle ne lui avait pas dit non à lui mais à la mort en refusant ce projet, mais qu’elle serait enthousiaste et partante avec lui sur n’importe quel autre projet.
Lettre étonnante aussi de Jean-Luc Godard qui l’encense et le remercie d’avoir tant su le bouleverser avec son film Van Gogh.
Les synopsis, scénarios et cahiers de notes, pour beaucoup manuscrits et annotés, montrent un rapport à l’écriture à la fois volcanique, impulsif et intransigeant, qui traduisent un cinéma très personnel, même singulier, dont l’écriture se poursuivait durant... le tournage.
La "méthode Pialat" transparaît dans certains entretiens, révélés à cette occasion, inédits avec des proches, comme Sandrine Bonnaire, la scénariste Arlette Langmann, le monteur Yann Dedet, ou encore la chef décoratrice Katia Wyszkop.
Visiteurs et spectateurs découvriront dans cette exposition, et en revisionnant ses films, des facettes méconnues de la vie du cinéaste et de son œuvre, l’une des plus intenses du cinéma français, dense et comme marquée par le ressassement, l’exaspération, le remord et une forme de solitude.
Très impliqué dans ses films et dans ces tranches de romans familiaux, il en disait : "Tout cela m’est arrivé à moi. J’ai fait le film pour me détacher d’une obsession (...) Jean Yanne, c’est moi" (Nous ne vieillirons pas ensemble). Ou "Je ne suis pas Depardieu, je suis Guy Marchand" (Loulou).
Du 20 février au 4 mars 2013 (alors que l’exposition durera jusqu’au 7 juillet 2013), une rétrospective complète de ses films sera organisée en présence de nombre de ses acteurs et collaborateurs : 10 films de long métrages, et un chef-d’œuvre de 6 heures tourné pour la télévision.
- À nos Amours (1983), avec Sandrine Bonnaire, Maurice Pialat, Dominique Besnehard. Restauré. Le 23/02 à 14h30 et le 4/03 à 19h15.
- L’Enfance nue (1967), avec Michel Tarrazon (dont certaines attitudes m’ont fait penser au Jean-Pierre Léaud des 400 Coups), Marie-Louise Thierry, René Thierry. Le 20/02 à 16h30 et le 24/02 à 14h.
- Le Garçu (1994), avec Gérard Depardieu, Géraldine Pailhas, Antoine Pialat. Le 20/02 à 21h30 et le 1/03 à 21h30.
- La Gueule ouverte (1973), avec Nathalie Baye, Hubert Deschamps, Philippe Léotard. Le 1/03 à 19h30 et le 4/03 à 17h.
- Loulou (1979), avec Isabelle Huppert, Gérard Depardieu, Guy Marchand. Le 23/02 à 21h30 et le 27/02 à 21h30. Restauré.
Un homme n’est peut-être pas suffisamment présent dans cette exposition : Daniel Toscan du Plantier (décédé quelques jours après Pialat, le 11/02/2003), qui sut produire tant de ses films pour la Gaumont, et Dieu sait que ce n’était pas une sinécure, mettant le cap sur son talent mais essuyant souvent les violentes bourrasques de son caractère tourmenté et définitivement difficile.
Un petit film le montre à ses côtés, à Cannes. Ils sont à la conférence de presse de présentation de "Sous le soleil de Satan", où le nom de Toscan apparaissait pour la première fois. Cet extrait savoureux, dans lequel Toscan s’exprime avec humour et même gourmandise, est présenté avec un court "making of" de Police, pris au 17e jour du tournage... tension sur le plateau.
Un catalogue de l’exposition est en préparation, coédité par Somogy, éditions d’art / La Cinémathèque française, 160 pages, 150 illustrations couleurs, 29€.
Pialat, peintre et cinéaste, du 20 février au 7 juillet 2013, à la Cinémathèque française, 51 rue de Bercy 75012 Paris, lundi, et de mercredi à samedi de 12 à 19h, le dimanche de 10 à 20h. 5€ ou 4.
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Enfin, contre l’actualité artistique qui chasse ce que l’on se croyait capable de retenir, les catalogues d’expositions peuvent avoir, quand ils sont faits avec exigence, un rôle certain à jouer. Nous avons établi notre sélection, pour Paris, des meilleurs catalogues des expositions 2012, en vous indiquant en plus les nominés, et les primés au Prix CatalPa 2012 pour les catalogues d’expositions de Paris.