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Formidable exposition Paul Klee au Centre Pompidou

Du 6 avril au 1er août 2016, importante rétrospective "Paul Klee, l’ironie à l’œuvre".


L’œuvre de Paul Klee (1879-1940), un des artistes majeurs de la première moitié du XXe siècle, peintre et pédagogue, musicien et sensiblement poète, fait l’objet d’une grande exposition au Centre Pompidou en 2016 : "Paul Klee, l’ironie à l’œuvre", dont la commissaire est Angela Lampe.

À partir de 250 œuvres (sur un total de quelque 10 000 !), rassemblées à partir des plus grandes collections internationales et du véritable temple qu’est le Zentrum Paul Klee de Berne, cette rétrospective propose et pose un nouveau regard sur son œuvre, prenant pour guides "l’ironie romantique" et ses corollaires de satire et de parodie, selon les préceptes du philosophe Friedrich Schlegel qui écrivait : "Tout en elle (la pratique de l’ironie) doit être plaisanterie, et tout doit être sérieux, tout offert à cœur ouvert, et profondément dissimulé". Préfigurant la logorrhée dalinienne, il caractérisait même l’ironie comme une "bouffonnerie transcendantale".

Les Sans-Espoirs, 1914. Cette aquarelle de Klee reprend les formes d’une figure proto-cubiste de Picasso : la Dryade de 1908, mais Klee transgresse la composition picassienne, s’affranchissant du statisme du cubisme et créant une scène imaginaire, à la fois fantastique et théâtrale.

Ce concept, issu du premier romantisme allemand, renvoie au processus de création artistique, et les œuvres de Paul Klee sont à comprendre comme un jeu sur l’auto-représentation de l’art.

La formidable exergue, choisie par la commissaire Angela Lampe, nous glisse d’entrée le pétard dans les pattes pour secouer et renouveler nos regards sur l’œuvre de cet artiste... pas très expansif et pourtant capable de multiplier des autoportraits sous différentes postures : "Nul n’a besoin d’ironiser à mes dépens, je m’en charge moi-même". À moins qu’en contre-point ce ne soit de surcroit une précaution prudentielle et défensive...

Paul Klee, pionnier en cela aussi parmi les artistes, dans un perpétuel mouvement pendulaire, se représentait en moine ou en comédien, sautillant des affirmations aux négations... puisqu’il est tout de même fondamental de savoir jouer avec la loi et de parvenir à trouver la "faille dans le système" !

Parvenir à poser simultanément le principe et sa transgression, présenter la carpe au lapin, et advienne ce qui devait advenir.

Dans cet événement exceptionnel, qui ne sera visible qu’au Centre Pompidou et pour lequel 60% des œuvres n’ont jamais été présentées en France, 7 sections thématiques éclairent les principales étapes chronologiques (avec quelques échappées thématiques) de l’évolution artistique de Paul Klee.

- Satire et caricature (les premières années). Une production graphique, caricatural, satirique au sortir de ses études à Munich et d’un hiver en Italie, confronté à la culture classique. "Je sers la beauté en dessinant ses ennemis."

Couple mauvais genre, 1905. Peinture sous verre, cadre reconstruit. Zentrum Paul Klee, Berne.

Notons aussi ici que Klee, longtemps après Rembrandt mais un peu avant Picasso, a croqué une savoureuse "pisseuse", exposée, et que pour lui la sculpture de Rodin était proprement caricaturale.

- Cubisme. Klee le découvre en 1911 à Paris. Fort intérêt pour le précurseur Cézanne, et pour Braque, Picasso et Delaunay. Tout en s’en inspirant, en théorie comme en formalisations, il critique l’absence de vitalité qui ressort de la décomposition des figures cubistes, emprisonnées dans des structures. Par souci de distanciation, il va adjoindre une "obligation de flottaison".

L’œuvre n’est plus seulement une fenêtre ouverte sur le monde. On se doit d’en révéler processus et temporalité.

Saint-Germain, près de Tunis (vers l’intérieur du pays, 1914. Aquarelle sur papier collé sur carton ? Centre Pompidou. Legs de Nina Kandinsky, 1981. On remarquera les barres blanches verticales, traces des élastiques utilisés... dans la réalisation de l’œuvre. Mesdames, messieurs, rien ne sera caché !

- Théâtre mécanique (à l’unisson avec Dada et le Surréalisme). Klee met des oiseaux-avions en formation d’assaut. Apparitions des êtres hybrides, mi-humains mi-machines... automates, marionnettes. "Quand la machine enfantera-t-elle ?" Est-ce de l’ironie, un début de lucide panique, ou un mélange aussi de fascination pour l’automate ?

Le pianiste en détresse, 1909. Plume et aquarelle sur papier sur carton. Collection particulière. Suisse, en dépôt au Zentrum Paul Klee, Berne.

- Constructivisme (les années Bauhaus de Dessau). Trouver l’équilibre entre l’approche intuitive et les nouveaux dogmes modernistes... Le Bauhaus s’installe dans la ville moderne de Dessau, et pour Klee l’esthétique rationnelle devient le repoussoir. Il écrit : "les lois ne doivent être que les bases sur lesquelles il y a la possibilité de s’épanouir".


- Regards en arrière (les années 1930). Klee, après son voyage en Égypte, évoque à sa manière dans ses œuvres les anciennes civilisations... jusqu’aux grottes du paléolithique, mais par simulacre : effets d’usure, d’érosion et de vieillissement purement techniques. Un primitif... assez élaboré.

Enlacé, 1932. En mélangeant du sable à sa peinture, il crée dans son tableau l’enchevêtrement de lignes aux cycles de la Terre. Tissages, artefacts de cultures dites primitives. Une temporalité révolue diffuse.

- Picasso (la réception par Klee, après la rétrospective de Picasso à Zurich en 1932, en 1937). Il y a dialogue entre leurs deux œuvres, et confrontation. Ils se rencontreront plusieurs fois physiquement... sans peut-être que cela soit aussi fécond que le regard de chacun aux créations et évolutions de l’autre. Relation humaine assez déceptive, silence, pas d’échange, pas de partage... et l’arrivée de Picasso avec 3h de retard n’a peut-être pas faciliter les choses.

Ton Aiëul ?, 1933. Couleur à la colle sur papier sur carton. Courtesy Galerie Pels-Leusden AG, Zurich. Jusqu’où faudra-t-il remonter ?

- Années de crise (entre la politique nazie, la guerre et la maladie). L’arrivée d’Hitler au pouvoir en 1933 et l’exil de Klee à Berne, plus la progression par paliers successifs de sa maladie (une méchante sclérodermie, un rétrécissement de la peau) simplifie son écriture graphique tout en exprimant sa détresse personnelle comme celle de l’humanité, sans se départir de cette hygiène de vie et de réflexion qu’est l’ironie. Daumier n’est jamais bien loin... mais le trait se fait ludique, enfantin, burlesque.

Aux côtés d’œuvres majeures rarement prêtées telles les grands formats des années 1930 et, surtout, le mythique Angelus Novus, jamais exposé en France, et de plus associé à l’autre œuvre que possédait aussi Walter Benjamin (mais seulement pour les 2 premiers mois de l’exposition), sont présentés des sculptures, des ensembles de dessins, ainsi que des travaux méconnus comme les peintures sous-verre du début.

Notons enfin que Paul Klee participa de son vivant, toujours à sa manière personnelle et original, aux prémices de l’établissement de son catalogue raisonné... en numérotant année par année ses œuvres.

Une exposition réellement exceptionnelle à ne rater sous aucun prétexte.

L’artiste
Voir Présentations d’Artistes de A à Z

Paul Klee, d’une famille de musicien, a pratiqué le violon dès l’âge de 7 ans, et fréquenté les salles de concerts durant son enfance. Ce peintre allemand (son père était allemand, sa mère suisse) marque très tôt un intérêt pour la peinture et le dessin, tout en exerçant tout au long de sa vie une pratique musicale assidue, s’attelant aux grandes œuvres des répertoires classique et romantique.

Des rencontres essentielles avec Robert Delaunay, le groupe der blaue Reiter, et Kandinsky l’aident dans ses approches personnelles de la couleur ("La couleur et moi sommes un. Je suis peintre."), qui le font travailler plus volontiers peinture et aquarelle. Ses préoccupations se portent sur les problèmes de tonalité.

Paul Klee, Insula dulcamara, 1938 Huile et couleur à la colle sur papier sur toile de jute 88 x 176 cm Berne, Zentrum Paul Klee © domaine public

Le voyage qu’il effectue avec August Macke et Louis Moilliet en Tunisie (avril 1914) lui apporte la « révélation de la couleur », après quelques années de recherches et de luttes...

La guerre le coupe momentanément de ces amis, mais, en 1916, il expose (et vend très correctement) à la galerie Sturm de Berlin, puis en 1920, quelque temps après sa démobilisation, la galerie Hans Goltz organise à Munich une grande exposition personnelle rassemblant 362 de ses œuvres.

Paul Klee in 1911

Klee enseigne au Bauhaus en 1919 à Weimar une théorie de la forme, et son influence auprès des autres créateurs y est considérable. Professeur, donc, aux talents de pédagogue diversement appréciés, l’artiste participa aux grands débats esthétiques de son époque.

Paul Klee expose en 1924 à New York, puis, en 1926, il participe à Paris à la première exposition des surréalistes, et en 1929 au Palais du Prince impérial à Berlin, pour ses 50 ans (les siens !).

Les titres de ses œuvres peuvent être graves, faire aussi preuve d’humour, ou même s’inspirer de ses simples séjours de vacances.

Les nazis feront qu’il sera remercié sans préavis de son poste d’enseignant en 1933 aux Beaux-Arts de Düsseldorf.

Il s’exilera alors en Suisse, à Berne, sa ville natale, où se tiendra une grande exposition de ses œuvres à la Kunsthalle.

Paul Klee Burg 1, 1923, [Château fort 1] Aquarelle et crayon sur papier sur carton 26,5 x 24,5 cm Kunsthaus Zürich

Atteint de sclérodermie, Paul Klee recevra en Suisse les visites de Kandinsky et de Picasso. En 1937, l’exposition "Art dégénéré" alignait tout de même 17 de ses œuvres... et plus de 100 de ses tableaux seront retirés des collections allemandes publiques.

Après sa mort en 1940, des rétrospectives sont organisées à Berne et à New York.

Pour le pape de l’art pauvre, le peintre espagnol Antoni Tàpies : « Klee est en Occident un de ces privilégiés qui ont su donner au monde de l’art la nouvelle orientation spirituelle qui manque aujourd’hui où les religions semblent faire faillite. »

Cet artiste est souvent rangé dans la catégorie des inclassables. S’il n’est jamais tout à fait fauve, cubiste, surréaliste, figuratif ou abstrait, il pourrait aussi être tout cela à la fois. Klee disait dans son journal : « On apprend à voir derrière la façade, à saisir une chose à la racine. On apprend la préhistoire du visible. » Il s’y employa tout au long de son œuvre.

Récentes expositions Paul Klee

Paul Klee Polyphonies, à la Cité de la Musique à Paris (18/10/2011 - 15/01/2012)

Paul Klee Das Licht und die Schärfen, 1935 [La lumière et les arêtes] © Berne, Zentrum Paul Klee (Peter Lauri, Berne / ABMT, Universität Basel)

- Des expositions temporaires d’œuvres de Paul Klee sont très fréquemment organisées au Zentrum Paul Klee, à Berne, qui est sa ville natale. Le Zentrum Paul Klee conserve quelque 40% de sa création. C’est donc l’une des principales collections d’œuvres majeures, et notamment tardives, de Paul Klee (sujet d’une exposition du 14/02/15 au 12/01/16).

Elle a été principalement constituée de dons effectués par la famille du peintre (650 pièces, 2 600 objets, 150 œuvres de collectionneurs privés), et de donation du Docteur Maurice Müller.

Quelques œuvres

L’œuvre de Paul Klee est proprement considérable : quelque 4 900 dessins et près de 10 000 peintures.

Prince noir, 1927, 24. Huile et détrempe sur fond d’huile sur toile. Kunstsammlung Nordrhein-Westfalen, Düsseldorf
Retombé en enfance, 1939, 750, Crayon sur papier sur carton. Berne, Fondation Paul Klee.
Angelus Novus. Peinte en 1920 cette aquarelle a été commentée par le philosophe et critique d’art allemand Walter Benjamin, qui en était un temps détenteur.
Scène guerrière de l’opéra-comique fantastique "le navigateur". Calque à l’huile, crayon, aquarelle et gouache sur papier. Bâle, Öffentliche Kunstzammlung Basel.
Acteur, huile sur carton, 1923. Coll privée, dépôt au centre Paul Klee, Berne.
Jeune femme dans un arbre, 1903, gravure à l’eau-forte, Museum of Modern Art, New York (illustration).

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Paul Klee, l’ironie à l’œuvre, du 6 avril au 1er août 2016, au Centre Pompidou, Galerie 2, Niveau 6, 01 44 78 12 33, métro Hôtel-de-Ville, Rambuteau. Ouvert de 11 à 21h tous les jours sauf le mardi. Nocturne le jeudi jusqu’à 23h. 14 ou 11€, valable le jour même pour le musée national d’art moderne et l’ensemble des expositions.

Lire aussi : Toutes les expositions 2016 au Centre Pompidou.


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Vous retrouvez comme chaque année dans LES GRANDES EXPOSITIONS 2016 à Paris de A à Z les différentes expositions annoncées par leurs établissements et musées.

Frederic Leighton (1830–1896) Crenaia, the nymph of the dargle, ca. 1880 Huile sur toile 76.2x26.7 cm Colección Pérez Simón, Mexico © Arturo Piera, Musée Jacquemart-André 09/13-01/14

Dans CALENDRIER 2016 des grandes expositions à Paris ces mêmes expositions sont classées par dates.

Nouvellement en ligne :
Le CALENDRIER 2017 des grandes expositions à Paris
PARIS 2017. LES GRANDES EXPOSITIONS de A à Z

Dans la série Toutes les expositions 2016 dans les plus grands musées de Paris... lire également :
Au musée du Louvre, au Centre Pompidou, au Grand Palais, au musée d’Orsay, au musée d’Art moderne de la Ville de Paris, au Jeu de Paume, au Palais de Tokyo, à la Bibliothèque nationale de France, au musée du Quai Branly, au musée des Arts décoratifs, à la Fondation Cartier pour l’art contemporain, au musée Guimet, au musée Galliera, et au Petit Palais.

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Nous vous indiquons chaque semaine les nouveautés, les expositions qui fermeront bientôt leurs portes, et... nos préférences, car on ne se refait pas : PARIS EXPOS HEBDO. Nouveautés / Conseils / Derniers Jours.

Contre l’actualité artistique qui chasse ce que l’on se croyait capable de retenir, les catalogues d’expositions peuvent avoir, quand ils sont faits avec exigence, un rôle certain à jouer. Nous établissons, au fur et à mesure de leur publication, notre sélection des catalogues d’expositions 2016 de Paris, comme nous l’avons fait les années précédentes : 2015, 2014, 2013, 2012.

Celui de l’exposition "Paul Klee, l’ironie à l’œuvre" du Centre Pompidou fait partie de notre sélection 2016 de catalogues des expositions de Paris.

Vous pouvez consulter plus d’une centaine de présentations d’artistes, classées de A à Z.

Nous vous proposons aussi une sélection de musées et d’expositions dans les villes françaises suivantes, que nous nous efforçons de tenir assez régulièrement à jour :
Angoulême - Arles - Avignon - Bordeaux - Dijon - Grenoble - Ile-de-France - Lens - Lille - Lyon - Marseille - Metz - Montpellier - Nantes - Nice - Ornans - Rennes - Rodez - Rouen, Le Havre - Saint-Étienne - Strasbourg - Toulouse - Tours

Et juste des musées et expositions temporaires pour quelques villes étrangères : Amsterdam, Berlin, Bâle, Bruxelles, Genève, Londres, Madrid, Milan, et Venise.

André Balbo

sources : Visite, Centre Pompidou, Le Monde, Hazan

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