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Bilan 2013 des catalogues d’expositions de Paris : les Prix CatalPa 2013, les 10 Nominés, les 59 retenus


La sélection 2014 des catalogues d’exposition de Paris est commencée...

Vous trouvez dans 2013 à Paris : LES GRANDES EXPOSITIONS de A à Z les différentes expositions 2013 des établissements et musées de la capitale, et dans CALENDRIER 2013 des grandes expositions à Paris, ces mêmes événements classés par dates.

Mais que restera-t-il demain de nos amours ? De nos émotions artistiques ? De nos découvertes plastiques, culturelles, historiques qui effleurèrent nos sens et nos pensées ?

Qui parvient toujours à faire tout ce qu’il souhaite ? À satisfaire toutes ses envies, à apporter réponses à toutes ses curiosités ? À visiter, pour ne prendre que cet exemple, l’ensemble des expositions qui l’auraient intéressé ? À retenir, à la fois dans sa mémoire et sa sensibilité profonde, chacune des œuvres d’art, des découvertes scientifiques, des révélations archéologiques ou historiques, qui aura su le toucher, en un lieu, un instant, quelques jours ?

Les musées montent pour nous (comme pour eux !), parfois par missions, des événements dits "culturels" de toutes sortes. Ils brassent des concepts, organisent des focus chronologiques, des rencontres artistiques, font des associations d’idées ou d’artistes, voire combinent des confrontations, judicieuses, ou qui le sont moins. Parfois, l’idée d’une exposition est originale, et peut même être forte, voire inédite : révéler un artiste dont l’œuvre parviendra à nous toucher intimement, rassembler très largement une partie conséquente de son œuvre, la présenter de telle manière que soudain une compréhension nouvelle nous atteint et complète la vision que nous en avions.

Dans notre lutte permanente contre le temps qui file, là comme ailleurs, contre l’actualité artistique ou culturelle qui chasse ce que l’on se croyait capable de retenir, les catalogues d’expositions peuvent avoir, quand ils sont faits avec exigence éditoriale, un rôle certain à jouer.

Ils peuvent même, à partir du rassemblement momentané d’œuvres d’origines multiples, offrir de véritables prolongements à ces ravissements exceptionnels qui auraient pu, sans ces publications, n’être que fugaces.

Pour leurs diverses qualités, et dans leurs différentes fonctions, nous sélectionnons les meilleurs catalogues des expositions parisiennes, dès qu’ils nous deviennent accessibles. Ces ouvrages sont susceptibles de nous laisser plus durablement les traces de ces événements artistiques ou culturels qui font de Paris une ville particulièrement attrayante. Ils sont aussi capables parfois de nous offrir des approfondissements, des présentations plus fouillées, et des "compléments d’enquêtes".

CHACUN DES 59 CATALOGUES PRÉSENTÉS DANS CETTE SÉLECTION EST EN LIEN AVEC L’ARTICLE DE L’EXPOSITION... QUI LUI A DONNÉ LE JOUR.

L’heure du bilan 2013 a sonné le 28 novembre lors de la remise des Prix CatalPa 2013 pour les catalogues d’expositions de Paris, qui récompensait les meilleurs d’entre eux, selon le Jury des Arpenteurs d’expositions, dont j’ai l’honneur de faire partie. Vous aurez l’exclusivité dans quelques jours du récit et du film de cette soirée, qui s’est déroulée à la Mairie du IIIe arrondissement.

En 2013, on aura remarqué la puissante irruption d’artistes chinois exceptionnels (Yue Minjun, Zeng Fanzhi), et la forte présence de la mode, avec notamment Alaïa, Paris Haute Couture, Roman d’une garde-robe.

Partie de 59 catalogues initialement retenus pour cette compétition, seuls les 10 Nominés concourraient au Prix CatalPa 2013. Cette année, pour la première fois de son histoire, 2 Prix CatalPa 2013 distincts étaient attribués, l’un à La Spoliation des Juifs : une politique d’État (1940-1944), coédité par le Mémorial de la Shoah et la Ville de Grenoble, l’autre à Ron Mueck, édité par la Fondation Cartier pour l’art contemporain.

Une Mention spéciale au Prix CatalPa était décernée à Angkor. Naissance d’un mythe. Louis Delaporte et le Cambodge, coédité par les éditions Gallimard et le musée Guimet.

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À l’approche des Fêtes de fin d’année, il serait étonnant que vous ne trouviez pas dans cette liste, éclairée de ces distinctions, quelques idées de cadeaux...

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Alaïa

Voilà un catalogue qui retient l’attention pour son exigence esthétique ! On sent bien qu’Azzedine Alaïa et Olivier Saillard aussi très certainement ont tenu à se faire plaisir en étant au plus près du corps des femmes et de l’exigence qu’il doit y avoir à les habiller comme à rendre compte au mieux de ce talent sculptural si particulier.

Objet, dès la couverture cartonnée et reptilienne, d’une exquise élégance. Modestie des mains, des fils, des aiguilles, du métier. Entretien bienveillant mais approfondi. Photos époustouflantes et pleines de feeling. L’indispensable dose d’humour, avec entre autre cette image de Tina Turner et d’Alaïa bras dessus bras dessous dans la rue, ou ce refrain exagéré et désinvolte du si petit couturier de si grande dames.

Cette attention enfin à ce que les images puissent s’exprimer pleinement, sans la présence contraignante de la légende, basculée avec ses copines en fin d’ouvrage.

Merci. C’est très chouette.

Alaïa. Coédition Palais Galliera / Paris Musées, 208 pages, 90 illustrations, 34€.

De l’Allemagne. De Friedrich à Beckmann (1800-1939)

Ce projet franco-allemand comble une lacune. Rien à ce jour n’existait en librairie en français sur cette période de l’art allemand qui va du préromantisme à l’expressionnisme en passant par tous les courants classicisants.

Ce catalogue propose une réflexion autour des trois grands thèmes qui "structurent la pensée allemande" de 1800 à 1939 : les rapports à l’histoire (et aux Antiquités), à la nature (magnifiée), et à l’humain (souffrance incluse). Il présente le panorama de la création artistique qui l’accompagne, en présentant en illustrations des reproductions des œuvres imprimées avec le plus grand soin.

Il est intéressant aussi d’avoir su replacer dans le contexte intellectuel de leur création les courants artistiques de ces époques : classicisme weimarien, Nazaréens, Otto Dix, Hans von Marées, Adolf von Hildebrand, Franz von Stuck, mais aussi le romantisme d’un Caspar David Friedrich jusqu’à la " nouvelle objectivité". Ainsi ces courants peuvent-ils se confronter aux écrits des grands penseurs, dont Goethe bien sûr.

Cette approche est nécessaire au public français à qui l’art allemand jusqu’à présent a été encore relativement peu montré dans ses différents développements. Elle permet de saisir comment l’art a joué un rôle déterminant dans le développement du concept allemand de "Kultur", à un moment historique capital où l’Allemagne cherche à construire son unité et son identité nationale.

Héritée de la philosophie des Lumières, la notion de "Kultur" est apparue comme le meilleur terreau sur lequel inventer et poser une tradition allemande moderne. Si l’occupation napoléonienne a pu favoriser la prise de conscience de cette unité, fournissant un arrière-plan politique aux premières expérimentations romantiques, à l’autre bout de ce parcours chronologique la montée du nazisme mit quant à elle en évidence la dimension tragique de ce concept.

Impressionnante bibliographie, et un index bien utile.

De l’Allemagne. De Friedrich à Beckmann (1800-1939), sous la direction de Sébastien Allard et Danièle Cohn, coédition Éditions Hazan / musée du Louvre, 480 pages, 330 illus., 45€.

**Angkor. Naissance d’un mythe. Louis Delaporte et le Cambodge**

Mention spéciale au Prix CatalPa 2013 pour les catalogues d’expositions de Paris.

"Parce qu’il relate avec talent un drame archéologique et muséal, doublé de l’histoire d’une passion,

Parce qu’il sait inciter aux voyages et aux découvertes d’autres civilisations, aux différences et à l’émerveillement,

Parce que cet ouvrage, pour la qualité et la précision de ses textes comme de ses illustrations restera longtemps une référence dans nos bibliothèques..."

En 1866, une mission de reconnaissance remontait le cours du fleuve Mékong à la recherche d’une nouvelle voie pour commercer avec la Chine. Un jeune officier de marine, dessinateur recruté à Saïgon, Louis Delaporte, était à bord. Il allait être bouleversé par la découverte du plus imposant des sites d’Asie, Angkor.

Cette passion lui fera consacrer le reste de sa vie à faire découvrir à l’Europe l’originalité et la valeur universelle de l’art khmer. Il avait obtenu d’une audience auprès du roi du Cambodge l’autorisation de rapporter en France des sculptures originales du site d’Angkor, des moulages, des dessins aquarellés, des plans et des photographies.

En s’appuyant sur ces œuvres et sur ces documents exceptionnels, restaurés spécialement à l’occasion de l’exposition au musée Guimet, ce catalogue raconte cette redécouverte et les premiers regards que les Français, et plus largement le monde, portèrent sur l’art khmer, notamment dans le cadre des Expositions universelles et coloniales.

Ces nombreux éléments d’une richesse artistique inouïe sont à nouveau montrés, et cela pour la première fois depuis 1925.

Index, bibliographie, cartographie, et illustrations particulièrement recherchés en font un ouvrage de référence qui fera date, malgré les préfaces de François Hollande et du roi du Cambodge, qui pourraient laisser penser que ce beau livre ne serait que... diplomatique.

Un intérêt supplémentaire tient à ce que ces images nous montrent le site... moins abimé qu’il ne l’est aujourd’hui.

Angkor. Naissance d’un mythe. Louis Delaporte et le Cambodge. Sous la direction de Pierre Baptiste et de Thierry Zéphir. Coédition Gallimard / musée Guimet, relié, 312 pages dont 3 dépliants, 300 illustrations, 49€.

*1925, quand l’Art déco séduit le monde*

Nominé au Prix CatalPa 2013 pour les catalogues d’expositions de Paris.

En 1925, l’Exposition des arts décoratifs de Paris est le symbole d’une gloire et d’une puissance retrouvées, et la brève illusion d’une paix universelle. Son retentissement et son influence dans le monde seront considérables. Les architectes et les décorateurs français seront appelés sur d’importants chantiers internationaux durant une dizaine d’années, les ambassades françaises et les paquebots ayant été leur cheval de Troie.

Après la Première Guerre mondiale qui a amené son lot de désolation, la reconstruction a vu apparaître les premiers exemples du nouveau style. En 1925, il faut être moderne. Le développement de l’aviation et de l’automobile l’exige, voyant surgir premiers garages et aérodromes. L’Art déco est souvent associé au luxe mais il a orienté aussi le dessin des habitations à bon marché et des cités-jardins. Les grands magasins et les boutiques se développent et créent leurs lignes de décoration.

Paris est le centre du monde. La femme est devenue moderne, adopte le sportswear, et les étrangers s’agglutinent à Montparnasse. Le cubisme appelle à un ordre géométrique fait de carrés, de losanges et de zig-zag, et Joséphine Baker, laissant tomber pour un instant sa ceinture de bananes, remet les pendules à l’heure en rappelant ce que l’art moderne et le nouveau mouvement doivent à la culture africaine. Le surréalisme n’a qu’un an.

En fait, l’Art déco va voir apparaître puis imposer les caractéristiques d’un art mondial et moderne. Ce mouvement sera salué pour son glamour et son inventivité, et adapté par chacun, par chaque pays, dans une effervescence de motifs, de formes et de couleurs renouvelés.

Un catalogue de référence que l’on conservera avec soin : de courtes bios des principaux acteurs, un panorama mondial, un index précieux et des illustrations portant sur bien des domaines...

1925. Quand l’Art déco séduit le monde, coédition Cité de l’Architecture / Norma Éditions, relié, 450 pages, 45€.

L’Art nouveau. La Révolution décorative

À partir de 1895, l’Art nouveau, dont l’appellation aurait été inventée par Siegfried Bing, allait joué pendant un peu plus d’une décennie, un rôle dynamique et controversé sur la scène aussi bien parisienne, que londonienne, bruxelloise et d’autres, plus lointaines encore, jusqu’à s’essouffler et s’éteindre avant la Première Guerre mondiale, aussi rapidement qu’il était apparu.

Le catalogue de cette exposition présente plus de 200 œuvres d’artistes qui apportèrent leurs énergies et leurs talents à ce mouvement, parmi les meilleurs et les plus célèbres, comme Alphonse Mucha, Émile Gallé, Hector Guimard, et Louis Majorelle.

Elles témoignent de la diversité et de la richesse des arts qui s’y rattachèrent.

Les textes de ce beau livre sont d’experts de l’Art nouveau reconnus, comme Victor Arwas, Paul Greenhalgh (commissaire de l’exposition), et Dominique Morel (sur le verre de Gallé à Lalique). Ils confèrent un éclairage original au phénomène de l’Art nouveau français, de ses origines à sa disparition.

Une seconde partie regroupe l’ensemble des œuvres présentées au cours de cette exposition, en les segmentant selon 4 thèmes retenus : Le rôle de la nature, Exaltation des sens et sensualité (érotisme), Modernité mystique (mysticisme et symbolisme), Vendre le nouveau style.

On peut regretter l’absence d’outils de lecture et de courtes présentations sur les principales figures et réalisations de l’Art nouveau.

L’Art nouveau, la Révolution décorative. Direction artistique Marc Restellini, Commissaire de l’exposition Paul Greenhalgh, 224 pages, 237 illustrations en couleur, relié, Skira 40€.

Astérix de A à Z

René Goscinny et Albert Uderzo cherchent au cours de l’été 1959 une idée pour le 1er numéro de l’hebdomadaire Pilote. Après qu’aient été envisagés le Roman de Renart puis la préhistoire, ils arrêtent leur choix sur les Gaulois.

Les aventures d’Astérix et Obélix connaitront un succès immédiat et exceptionnel : les albums seront traduits en 107 langues ou dialectes, et se vendront à travers le monde à plus de 350 millions d’exemplaires.

En mars 2011, le dessinateur Albert Uderzo fait don à la BnF de 120 planches originales de la série, formidable occasion de rendre hommage à ce succès éditorial mondial par une exposition d’une ampleur sans précédent.

Le catalogue de cette rétrospective est construit en abécédaire, de A comme Amitié
à Z comme Zzwwip !, en passant par C comme Calembours ou P comme Potion.

Les meilleurs spécialistes et les plus proches témoins livrent les secrets de cette BD si populaire. Témoignages d’Albert Uderzo, Anne Goscinny, Roger Carel, voix
d’Astérix dans les dessins animés ; nombreuses contributions de spécialistes d’Astérix
et de l’histoire de la BD, dont Nicolas Rouvière, Olivier Piffault, Aymar du Chatenet, Gilles Ciment, Dionen Clauteaux, Alain Duchêne, Pierre Lambert, Sylvain Lesage, et Jean-Pierre Mercier ; des personnalités révèlent la vraie nature de leurs relations avec Astérix lorsqu’elles étaient enfants !

Astérix de A à Z, sous la direction de Carine Picaud, conservateur à la Réserve des livres rares de laBnF, coédition BnF / Hazan, 208 pages, 180 illustrations, 35€.

Albums. Des histoires dessinées entre ici et ailleurs. Bande dessinée et Immigration 1913-2013.

Quand l’immigration et la question de l’identité alimentent toujours les débats nationaux, il est facétieux de rappeler que les deux créateurs de la BD française la plus populaire au monde Astérix, sont issus de parents originaires de Pologne et d’Ukraine pour Goscinny, et d’Italie pour Uderzo.

Bien plus richement illustré que ne le laisserait supposer sa couverture un peu austère, ce catalogue formidable constitue une première tentative d’établir une chronologie précise, des premiers funnies américains quand les migrants étaient européens au début du XXe siècle, jusqu’à la récente Persepolis, où une jeune fille fuie l’Iran des mollahs.

Didactique et généreux, ce catalogue illustre la manière dont la bande dessinée s’est emparée du thème de l’immigration.

Vous y trouverez les parcours des auteurs personnellement liés ou non à l’immigration, les mécanismes et caractéristiques de la "fabrique" du sujet "immigration" dans la BD, et les représentations et imaginaires que ce corpus véhicule, suggère, invente.

Dans le mille-feuilles de l’immigration avec les meilleurs auteurs de BD...

Albums. Des histoires dessinées entre ici et ailleurs. Bande dessinée et Immigration 1913-2013. Co-édition musée de l’Histoire de l’Immigration / Futuropolis, coordination scientifique Vincent Marie et Gilles Ollivier. Avant-propos de Pascal Ory, 188 pages, 26€.

Enki Bilal. Mécanhumanimal

Après son exposition « Les Fantômes du Louvre » au Louvre, Enki Bilal a conçu une nouvelle exposition, cette fois-ci au musée des Arts et Métiers, basée sur la certitude diffuse que l’Homme, imbu de lui-même, et bien que sa dimension initiale soit globalement animale, serait son propre modèle en tout, jusqu’aux plus immatérielles et virtuelles innovations numériques...

Conçu à la fois comme le catalogue rigoureux, avançant sur les mêmes ponctuations que cette exposition, et comme son prolongement, Mécanhumanial, développe la découverte et le propos par l’image et par les mots. Structuré autour du travail graphique de Bilal dans tous ses aspects, l’ouvrage y associe de nombreux objets inattendus et des machines formidables tirés du fonds du musée, les uns et les autres se répondant pour bâtir ou étayer un imaginaire et un paysage mental inédits.

Des auteurs invités (dont Michel Béra, Guillaume Lecointre, Dan Franck, Pierre Christin, Jean Hatzfeld, Brigitte Fontaine, et d’autres) complètent ce panorama en donnant leur vision de l’aventure née de la rencontre de la technique et de l’humain.

Benoît Mouchart, le commissaire de l’exposition au musée des Arts-et-Métiers, assisté de Gaëtan Akyuz, a assuré la direction de l’ouvrage et en a rédigé l’introduction générale.

Impression d’une qualité remarquable.

Mécanhumanimal. Enki Bilal, Benoît Mouchart, Éditions Casterman, 27,8 x 29 cm, 168 pages, 27€.

Eugène Boudin

Eugène Boudin (1824-1898) est connu comme un des précurseurs de l’impressionnisme. Autodidacte, il s’attacha à peindre dans la nature, en bord d’eau, et souvent en bord de ciel.

À la fin de sa carrière et de sa vie, Claude Monet reconnaissait : "Je dois tout à Boudin". Et l’on pourra effectivement observer à quel point Boudin, dans ses nombreux tableaux, recherchait tout particulièrement le rendu des éléments, les effets atmosphériques, et les transparences des éléments.

S’il n’a été ni le premier ni le seul, au moins aura-t-il été l’un des initiateurs d’une vision renouvelée de la nature, un authentique précurseur pour les impressionnistes, avec qui il avait exposé lors de leur premier Salon.

Il fut surtout connu de son vivant pour ses marines, que ses marchands plaçaient facilement, alors que l’on apprécierait aujourd’hui davantage ses scènes mondaines de plages.

Ce catalogue vient combler un vide car, malgré l’influence qu’il exerça auprès de ses confrères peintres avec lesquels il appréciait les échanges sur leur art, et malgré le charme et la délicatesse de ses huiles qui ont parfois la légèreté d’aquarelles, il est encore considéré aujourd’hui comme "un petit maître".

Sa palette devait au fil du temps progressivement s’éclaircir, et sa touche s’alléger pour mieux restituer les reflets des cieux et des flots qui le captivèrent toute sa vie, et tout au long de ses voyages, de la Normandie à Venise, en passant par les plages du Nord, de la Bretagne, et du Midi.

Ces paysages sont en mouvement, dans des harmonies de gris délicatement colorés. Surnommé à son époque le « roi des ciels », il s’attaquait aussi avec une grande exigence à rendre à la perfection des éléments aussi changeants que la lumière, les nuages et les vagues.

Établi par Laurent Manœuvre, commissaire général de l’exposition éponyme et grand spécialiste d’Eugène Boudin, ce catalogue retrace les grandes étapes de la carrière de cet artiste.

Eugène Boudin, sous la direction de Laurent Manœuvre, coédition Fonds Mercator / musée Jacquemart-André, 242 pages, 44,95€.

Marcel Breuer, design and architecture

Marcel Breuer (1902-1981) est considéré aujourd’hui comme l’un des designers les plus influents du XXe siècle, notamment pour avoir donné au mobilier un nouveau matériau : le tube d’acier.

Responsable de la section mobilier au Bauhaus de 1925 à 1928, il y inventa le "légendaire" fauteuil Wassily incroyablement confortable, dont des millions d’exemplaires ont été vendus, et plusieurs sièges à piétements en traineau.

Après une période pendant laquelle Marcel Breuer enseigna dans les universités américaines les plus prestigieuses l’architecture, il connut une véritable nouvelle carrière pleine de succès comme architecte.

On retrouve les lignes et les choix esthétiques qu’il appliquait aux pièces de mobilier (rectangle allongé, torsion, usage des angles, surplomb) dans l’architecture qu’il pratiqua, initialement pour des maisons individuelles puis sur des églises ou musées pour lesquels il avait un usage souvent sculptural du béton, et enfin sur des projets d’un prestige international indéniable, comme le Whitney Museum de New York, ou le siège principal de l’Unesco à Paris.

Ce catalogue est en anglais.

Marcel Breuer, design and architecture. Édité par Vitra Design Museum. Couverture reliée. Très nombreuses illustrations, 448 pages, 53,90€.

Bronzes de la Chine impériale des Song aux Qing

Une sélection de 130 objets, parmi les plus représentatifs de l’exceptionnelle collection de bronzes chinois du musée Cernuschi, sont présentés et racontés dans ce catalogue par Michel Maucuer, conservateur en chef de ce musée.

Henri Cernuschi fut à la fin du XIXe siècle l’un des premiers à s’intéresser non seulement aux bronzes de la Chine antique, mais aussi à ceux de la période des Song (960-1279) à la période des Qing (1644-1911).

Très certainement, sous le double effet de la prégnance des rites sur la société chinoise et de la reprise en mains de l’Empire, les bronzes de l’Antiquité ont servi de modèles à des générations d’artisans et d’artistes qui y trouvaient, selon les besoins et les usages, formes, styles, thèmes et motifs.

L’importance de ce phénomène de résurgence que l’on constate pour les bronzes chinois n’a connu aucun équivalent dans un quelconque autre domaine.

Ce catalogue, qui se présente sous une forme assez classique, devrait rapidement devenir une référence pour les érudits sinisants, les professionnels de l’antiquité, et les collectionneurs.

Bronzes de la Chine impériale des Song aux Qing, de Michel Maucuer, Paris-Musées / Musée Cernuschi, 184 pages, 39€.

La Dynastie Brueghel

La dynastie des Brueghel commence dans les Flandres du XVIe siècle avec Pieter Brueghel l’Ancien, à Anvers. Après s’être formé auprès de son beau-père, le maniériste Pieter Coeck d’Alost, il ira en Italie où il sera ébloui par la beauté des paysages. À son retour, il placera le monde paysan au cœur de ses tableaux, le représentant animé, vivant et décoratif.

Son succès sera rapide auprès de collectionneurs qui apprécient la portée morale de ses œuvres, son talent de paysagiste et ses vues enneigées.

Avec l’irruption du monde paysan et du paysage, la lignée Brueghel exercera une exigence de réalisme et de précision dans ses tableaux, qui sera reconnue comme un label de qualité, au point que la reproduction par l’atelier des mêmes motifs lui assurera une confortable aisance, dès 1620.

L’ouvrage présente en plus des huiles, des reproductions de formidables dessins de bateaux et de paysages. Peu d’approche théorique et picturale. Un impressionnant arbre généalogique, qui n’est pas du luxe dans un tel sujet, nous situe les 4 générations des Brueghel.

La Dynastie Brueghel, coédition Pinacothèque de Paris / Gourcuff Gradenico, 218 pages, 49€.

Chagall, entre guerre et paix

Juif, Russe, poète, peintre, Marc Chagall a intimement épousé et éprouvé les soubresauts de son siècle (révolution, guerres, exils). Pourtant, il a quelques fois pu paraître à ses contemporains curieusement à la fois concerné et détaché.

Le catalogue Chagall, entre guerre et paix aide à la compréhension de l’œuvre de cet artiste si original, unique, onirique, et pourtant universel.

Marc Chagall y brasse ses sujets de prédilection qu’il mélange et revisite inlassablement : la ville de Vitebsk et sa forte communauté juive, riche de ses traditions et marquée par son histoire, les grands thèmes fondateurs et les symboles personnels ou issus des textes sacrés de plusieurs religions, le couple, la famille, le cirque, la souffrance, la poésie, où il sème tout un langage de symboles très identifiables.

À partir d’une centaine d’œuvres, l’ouvrage met en lumière la singularité avec laquelle Chagall aborde les représentations de la guerre et celles de la paix. Cette sélection peut être une des meilleures portes d’entrée et de familiarisation avec une œuvre qui ne se réduit jamais à une seule lecture, et dont le vocabulaire pictural intègre les événements vécus et les émotions ressenties personnellement par l’artiste.

Chagall, entre guerre et paix, une coédition RMN - Grand Palais, réalisée sous la direction scientifique de Julia Garimorth-Foray, 175 pages, relié, 35€.

*Roman d’une garde-robe. Le Chic d’une Parisienne de la Belle Époque aux années 30*

Nominé au Prix CatalPa 2013 pour les catalogues d’expositions de Paris.

Alice Alleaume était première vendeuse chez Chéruit de 1912 à 1923, l’une des maisons de couture les plus prestigieuses de ces années, 21, place Vendôme à Paris.

Sa garde-robe exceptionnelle vient d’entrer par donation au Palais Galliera. Elle révèle dans ce catalogue ses multiples trésors : robes griffées Chéruit, bien entendu, mais aussi Worth, Lanvin, Doucet, chasuble Poiret, chaussures du soir d’Hellstern & Sons, chapeaux d’Alphonsine, Marcelle Demay, Madeleine Panizon, Gélot, ou Le Monnier, bandeaux du soir de Rose Descat, bijoux...

On ne peut douter un seul instant, devant de telles créations, qu’Aline Alleaume fut une Parisienne à la mode, active, moderne, à la personnalité affirmée et au goût très sûr.

Ses carnets de vente et quelques archives révèlent assurément à quel point Paris et la maison Chéruit étaient au centre du monde pour ses clientèles convergeant de tant de pays...

Ce catalogue est aussi un peu familial dans la mesure où la mère d’Alice avait été "couturière en robes" sous le Second Empire, et sa sœur aînée première vendeuse chez Worth...

Un bel objet, érudit et précieux, à l’illustration impeccable, qui contient le patron d’une robe à réaliser, et une jaquette originale. Relié.

Roman d’une garde-robe, le Chic d’une Parisienne de la Belle Époque aux années 30, Paris Musées éditions, de Sophie Grossiord, conservateur général au Palais Galliera, musée de la Mode de la Ville de Paris, 224 pages, 140 illustrations, 35€.

Cibles

Un bel objet, très richement illustré, qui invite agréablement à un voyage qui survole allégrement quelques siècles d’histoire, de mythologies et de mœurs, et, entremêlée, la douce confusion des paysages de l’analyse.

Son auteur, Annie Le Brun, écrit : « Suite à la tradition des compagnies d’archers, à partir du XVIe siècle, des sociétés de tir se développent de l’Allemagne à l’Europe centrale. À l’occasion des multiples concours de tir qui s’ensuivent, apparaissent les cibles peintes remises au vainqueur après la compétition.

La variété des images criblées de balles qui nous en sont parvenues est étonnante : scènes de chasse mais aussi scènes de genre, scènes mythologiques, voire érotiques…, laissant à penser que tout peut devenir cible.

À partir de cibles conservées dans les musées de Croatie, pour la plupart datant du XIXe siècle, ainsi que d’autres des XVIIe et XVIIIe siècles d’origine germanique, ce livre se propose d’interroger la fascination pour la cible qui parcourt l’histoire de l’art. De sorte à confronter des œuvres récentes utilisant le motif de la cible ou les impacts du tir ou enfin recourant à la pratique du tir, avec ces cibles peintes, qui constituent un domaine peu exploré de l’art populaire.

Ce qui conduit à revenir sur ce qui lie la création et la destruction, mais aussi le regard et le désir, et sur ce qui se joue d’incontrôlable entre la vue et la vision comme entre l’ombre et la proie. »

Cibles, d’Annie Le Brun et Gilbert Titeux, coédition Gallimard / musée de la Chasse et de la Nature, collection Le Promeneur, 144 pages, 91 illustrations, 30€.

Guy Debord. Un art de la guerre

Guy Debord (1931-1994) peut être considéré comme un poète, un artiste, et un marxiste révolutionnaire. À 22 ans, il écrivait sur un mur de la rue de Seine à Paris : « Ne travaillez jamais ». Ce jeune homme était donc très ambitieux.

Il sera l’initiateur de l’Internationale lettriste (1952-1957), puis de l’Internationale situationniste (1957-1972).

Il a développé les armes théoriques d’une critique radicale de la société du spectacle et de certains de ses effets comme de ses atours : consommation, loisirs, publicité, urbanisme, etc. Ses développements théoriques se doublent de praxis originales dont la dérive, exploratoire et ludique, la psycho-géographie, le détournement, qu’il applique ou fait appliquer à des supports plus ou moins populaires comme la bande dessinée, le cinéma, et certaines formes d’art, l’idée étant de fragiliser ce qui fait écran entre l’homme et sa propre vie.

Même si l’influence de ses idées sur les mouvements contestataires et la culture de la seconde moitié du XXe siècle lui est encore chichement mesurée, elle fut de fait considérable, puissant ferment exerçant sur la jeunesse d’alors l’efficace charme corrosif et l’arme redoutable de la critique et de la dérision.

Ses archives personnelles, classées trésor national en janvier 2009, ont rejoint les collections du département des Manuscrits de la BnF en 2011 : tracts, affiches, photographies, correspondance, carnets ou fiches de lecture. Elles nous renseignent sur Debord, bien sûr, principal stratège du groupe, sur ses « compagnons d’armes », mais aussi sur ce qui fut leur histoire et leurs aventures collectives.

Debord avait un goût prononcé pour l’analyse, l’arme des idées et des mots, les citations qui font mouche, les cartes d’état-major et la science militaire. Ses armes sont maintenant accessibles à tous.

Guy Debord. Un art de la guerre, sous la direction de Emmanuel Guy et Laurence Le Bras, coédition BnF / Gallimard, 224 pages, 240 illustrations, 39€.

Tamara De Lempicka, la Reine de l’Art déco

Icône incontestée de l’Art déco, Tamara de Lempicka est la parfaite représentante des Années folles : internationale, mondaine, décorative, spectaculairement libre et théâtrale. Elle développe un style qui lui confère une place tout à fait à part dans l’art moderne.

Aimant représenter les attitudes érotiques de ses modèles féminins, qu’elle peint apparemment plus volontiers que les hommes, et plus fréquemment, l’artiste les met en scène dans un univers néo cubiste et profondément Art déco. Mais finalement ce mélange d’impudeur même n’en confirme-t-il pas, dans ses meilleurs périodes, le côté paradoxalement classique ?

Ce catalogue d’exposition propose une analyse de la vie romanesque et des différentes étapes de l’œuvre de cette artiste si particulière que fut Tamara de Lempicka, et de ses pérégrinations, de sa naissance à Varsovie ou Saint-Pétersbourg (?), jusqu’à son décès au Mexique. Une biographie, en fin d’ouvrage, permet de la mieux connaître, sans toutefois la dépouiller totalement de l’ambiance de mystère dont elle aimait s’envelopper.

Dans la partie présentant les œuvres exposées, certaines d’entre elles sont accompagnées de citations et d’extraits de journaux, laissant entrevoir quelques-unes des opinions que ses contemporains exprimaient, tant sur l’œuvre que sur l’artiste.

Tamara de Lempicka, la Reine de l’Art déco. Direction artistique Marc Restellini Commissaire de l’exposition et auteur Gioia Mori, 232 pages, 190 illustrations en couleur, relié. Skira. 40€.

*Le monde enchanté de Jacques Demy*

Nominé au Prix CatalPa 2013 pour les catalogues d’expositions de Paris.

À la question "Pourquoi je filme ?", Jacques Demy répondait : "Parce que j’aime ça / Parce que ça bouge / Parce que ça vit / Parce que ça pleure / Parce que ça rit". Il s’est tout particulièrement attaché dans son œuvre aux contes pour enfants (et adultes) et aux villes dotées d’un port (il était lui-même de Nantes), situations et lieux rêvés pour voir se croiser les destins, les caractères, et les émotions. Ses films, dont Les Demoiselles de Rochefort, Les Parapluies de Cherbourg, Lola, Peau d’Âne ou La Baie des Anges, dessinent un monde de sentiments forts aux décors psychédéliques, à la fois enchanté et léger, certes, mais sombre aussi et bien réel.

Il habille son univers artistique de musique et de chansons parfois "improbables", émouvantes et fabuleusement réjouissantes, qui continuent l’histoire ou l’éclairent en profondeur.

Dans ce cinéma, la réalité humaine et sociale est toujours bien présente, même si la forme nous paraît d’abord fantaisiste. Ce catalogue souligne aussi les places importantes que le cinéaste accorde dans son langage filmique, à la photographie et à la peinture notamment, grâce aux apports savants et légers à la fois d’historiens et d’écrivains dont Jean-Marc Lalanne ou Olivia Rosenthal.

Madame Demy, la réalisatrice Agnès Varda, l’a enrichi de notes originales soulevant des aspects rarement abordés de l’œuvre de Demy, et les coulisses de ces grands films.

Des entretiens de Catherine Deneuve, Michel Legrand, Anouk Aimée ou Harrison Ford, des photos de plateau rares, et des documents de travail (plans de tournage, scénarios, agendas) des archives Demy, offrent au lecteur le souvenir précis d’un talent du cinéma français fort et particulièrement original.

Le monde enchanté de Jacques Demy. Sous la direction de Matthieu Orléan. Co-édité par la Cinémathèque française et Skira-Flammarion. 256 pages, 45€.

Jean Dubuffet. Coucou Bazar

Le livre-objet qui accompagne l’exposition reprend l’idée de matériaux pauvres et bruts chère à Dubuffet : carton sérigraphié pour la couverture, typographies sommaires pour l’intérieur.

Photographies, dessins, affiches et documents d’archives sont reproduits sur une alternance de trois papiers (bouffant naturel, bouffant blanc, brillant). Le tout est relié par une spirale, comme les cahiers de notes de l’artiste.

Un texte de Sophie Duplaix, commissaire de l’exposition, est consacré à une analyse du spectacle et à ses liens avec le renouveau théâtral qu’a connu la France de l’Après-guerre.

Les écrits de Jean Dubuffet concernant son spectacle "Coucou Bazar", en particulier ses notes donnant des indications pour la mise en scène ("Le principal recours des acteurs des acteurs consistera dans l’invention de gesticulations locatlisées et très restreintes"), et son poème « bal des leurres » sont reproduits.

Un objet d’une originalité rare, et pourtant classique, dans lequel on constate une fois de plus que trouver un titre est en général une souffrance.

Jean Dubuffet. Coucou Bazar. Les Arts Décoratifs Éditions. Publié sous la direction de Sophie Duplaix et Béatrice Salmon, création graphique Helmo, 100 illustrations, couverture cartonnée avec spirale bleue, 128 pages, 39€.

Dynamo. Un siècle de lumière et de mouvement dans l’art (1913-2013)

Devient-on enfin adulte lorsque l’on atteint un tel âge ? Il est à craindre que non quand on voit le mal que se donnent ces artistes maîtres de l’art cinétique à essayer de faire interagir le spectateur, qui explore ainsi par surprise avec eux les notions de mouvement, de vision, d’espace, de miroir, de pulsation et de lumière, à partir de leurs installations, de leurs machines ou de leurs tableaux.

S’il ne s’agissait initialement pour l’artiste en art optique et cinétique que de « l’éternel désir d’animer ses images », leurs expositions avant-gardistes n’en n’eurent pas moins d’immenses retentissements.

Que de chemin parcouru entre les deux extrémités de ce siècle fécond, si l’on passe des précurseurs que furent Duchamp, Delaunay ou Calder à nos contemporains les plus proches : Le Parc, Janssens, Kapoor, Soto, Morellet, Tinguely ou Vasarely.

Ce catalogue, très ambitieux et original, rassemble à le fois les créations individuelles comme collectives de 142 artistes qui permettent au lecteur attentif de dérouler le fil de cette tendance, fondamentale de l’art moderne comme de l’art contemporain, en s’appuyant sur une lente maturation que seul au-delà de l’œuvre, autorise le papier, et cela en se penchant sur plus de 200 de leurs travaux et installations.

Quelques éléments particulièrement utiles : une chronologie et une anthologie synthétiques, et une volonté de laisser le lecteur tranquillement face à l’œuvre. L’arme au pied. Dans l’attente de l’interaction.

Dynamo. Un siècle de lumière et de mouvement dans l’art (1913-2013), sous la direction de Serge Lemoine, Éditions de la RMN-Grand Palais, 368 pages, 350 illus., 45€.

Esquisses peintes de l’époque romantique : Delacroix, Cogniet, Scheffer...

Quand les nouvelles caractéristiques de l’esquisse rejoignent les préoccupations des peintres romantiques dans la première moitié du XIXe siècle (vivacité, expressions des émotions et regard subjectif), la floraison et la liberté de leurs travaux préparatoires méritent toute notre attention.

Ce n’était pourtant pas alors la seule expression de créativités libérées qui s’exprimait ainsi, mais également le premier pas des peintres concourant au prestigieux Prix de Rome, passage quasi obligé de la formation des débutants ambitieux et talentueux, en particulier à l’école des Beaux-Arts.

C’était enfin pour les artistes le moyen de proposer aux puissants commanditaires (et de leur faire valider) les grands formats et les décors destinés aux nombreux édifices parisiens alors en construction.

Ce catalogue rassemble les travaux des "esquisseurs" romantiques les plus fameux. Il permet d’entrevoir le quotidien de ces travailleurs acharné, dont des biographies synthétiques dressent portraits et trajectoires.

Esquisses peintes de l’époque romantique : Delacroix, Cogniet, Scheffer..., Paris Musées / Musée de la Vie romantique, sous la direction de Sophie Eloy, 192 pages, 30€.

Étrusques. Un hymne à la vie

La civilisation étrusque, qui préexista du IXe au Ier siècle avant J.-C. aux Romains au cœur-même de la Péninsule italienne nous parait encore revêtir de grands mystères. À l’occasion de la grande exposition que lui consacre le musée Maillol, ce catalogue, placé sous l’autorité des plus éminentes institutions culturelles spécialisées, présente ces huit siècles d’histoire, qui précédèrent la domination romaine.

On y découvre l’architecture étrusque, des cabanes primitives aux intérieurs raffinés, des exemples édifiants des terres cuites richement colorées qui ornaient les temples comme les demeures patriciennes.

Tous les aspects de la culture comme de la vie quotidienne des Étrusques sont illustrés de quelque 200 objets qui témoignent de ce que fut cette époque. Ils proviennent des grandes Cité-États de l’Étrurie et touchent aussi bien à la religion, l’écriture, l’armement, le sport, la peinture et la sculpture, l’artisanat avec l’orfèvrerie, les bronzes et les céramiques.

Cette civilisation, qui bénéficiait des intenses échanges du commerce méditerranéen et plus largement international, révèle un peuple fascinant et déjà étonnamment moderne.

Bel ouvrage, illustrations superbes, et une riche bibliographie qui permettra aux plus curieux d’être à jour de nos connaissances sur cette civilisation encore nappée de mystères.

Sous le haut patronage du Ministero per i Beni e le Attività Culturali, avec la participation des musées de la Villa Giulia, des Musei Capitolini (Rome), du Museo Archeologico de Florence, des musées du Vatican, du British Museum, de la Bibliothèque nationale de France, ainsi que de diverses institutions européennes et collections particulières.

Les plus férus spécialistes ont participé à cet ouvrage : Francesca Boitani, Anna Maria Moretti, Laura Ambrosini, Enrico Benelli, Paolo Bruschetti, Francesco Buranelli, Claudia Carlucci, Giuseppina Carlotta Cianferoni, Michel Gras, Antonella Magagnini.

Étrusques. Un hymne à la vie. Sous la direction de Anna Maria Moretti et Francesca Boitani. Co-édité par Gallimard et le musée Maillol. 288 pages, 39€.

Zeng Fanzhi

Ce catalogue bilingue (français / anglais) présente ce peintre chinois dont l’opiniâtreté dans la recherche, picturale et intellectuelle, a permis de faire connaître une succession de moments, ou d’époques dans son travail, qui se traduisait par des thèmes et des styles tout à fait différents les uns des autres.

On a pu dire que le spectateur restait comme saisit devant ses œuvres par le monde intérieur de l’artiste. Comme étreint.

Zeng Fanzhi développe depuis les années 1990 un langage pictural très original, mixte de la tradition asiatique dans le traitement des paysages et la violence charnelle et difformante des grands peintres modernes de l’Occident, les Bacon, Soutine notamment.

L’art chinois n’en finira pas de nous convaincre dans les années qui viennent de l’intensité et de la qualité de ses acteurs, trempés d’un besoin expressif qui ne peut que nous impressionner. Comme le dit Fabrice Hergott, alors que l’on pensait, vieux colons que nous sommes restés, que cet art s’adapterait à nos goûts, on ne peut que constater que notre formation et notre appréciations à leurs œuvres sont déjà bien avancées...

Zeng Fanzhi, coédition musée d’Art moderne de la Ville de Paris / Paris musées, 242 pages, 30€.

Goya et la modernité

Francisco de Goya (1746-1828) a cherché sans relâche à innover, à emprunter, selon Marisa Oropesa, des voies artistiques nouvelles, comme le firent avant lui De Vinci, Rembrandt ou Vélasquez.

Après sa formation académique et son tout autant classique voyage initiatique d’artiste en Italie, Goya allait développer un naturalisme très personnel. De plus, la Guerre d’indépendance espagnole, qui débute dès 1808, allait marquer son style même, levant ses réserves et ses craintes de la censure.

Devenu quasiment chroniqueur de cette tragédie, il en décrira les horreurs, plaçant le vaincu temporaire en héros de ses tableaux.

Avec Goya, la guerre n’est plus le symbole positif du pouvoir et du triomphe, mais le monde submergé de souffrances et d’atrocités.

Baudelaire écrivait à son sujet : "En Espagne, un homme singulier a ouvert dans le comique de nouveaux horizons... Sans doute il plonge souvent dans le comique féroce et s’élève jusqu’au comique absolu... Il unit à la gaieté, à la jovialité, à la satire espagnole du bon temps de Cervantès, un esprit beaucoup plus moderne, ou du moins qui a été beaucoup plus cherché dans le temps modernes, l’amour de l’insaisissable, le sentiment des contrastes violents, des épouvantements de la nature et des physionomies humaines, étrangement animalisées par les circonstances."

Goya, dans son temps, se révéla être un inventeur de son art, bien plus qu’un copiste. Ses gravures nous renvoient des scènes quotidiennes et le théâtre des bassesses humaines, qu’il juge avec une cruauté qui n’a pas son pareil.

Dans cet ouvrage les gravures, qui ont droit à des enrichissements et des commentaires resituant correctement le temps et le lieu des événements, attaquent en escadrilles et ne mâchent pas leurs traits...

Goya et la modernité, coédition Pinacothèque de Paris / Gourcuff Gradenigo, 302 pages, 49€.

Eileen Gray

Eileen Gray, designeuse et architecte totale, femme aux talents multiples et d’une grande discrétion, a créé le fauteuil aux dragons que l’humour de l’histoire a fait devenir le plus cher du monde, le fauteuil Bibendum, et bien d’autres objets, pièces de mobilier et innovations, de décoration ou architecturales.

Elle est pourtant encore relativement peu connue du public français, même si ses célèbres pièces de mobilier sont présentes dans les plus grandes collections publiques et privées.

Ne nous y trompons pas : Eileen Gray figure bien parmi les designers et les architectes majeurs du XXe siècle, et ses créations, pièces uniques en général, véritables prototypes (paravent en briques laquées, table ajustable, suspension Aéroplane, villa de bord de mer E 1027) définissent une nouvelle esthétique, une modernité sensible, originale, riche, soignée et unique.

Ce catalogue est édité par le Centre Pompidou à l’occasion de la rétrospective la plus complète jamais réalisée sur son œuvre. Grâce aux nombreuses contributions rassemblées, et sous la direction enthousiaste de Cloé Pitiot, il livre enfin les multiples facettes de cette femme, artiste touche-à-tout d’une rare exigence, qui naviguait du dessin au laque, du design textile à la décoration intérieure, et de l’architecture à la photographie.

Un passionnant panorama de 70 ans de création ininterrompue. Une véritable épopée esthétique.

Eileen Gray. Édition Centre Pompidou, 180 illustrations couleurs, 232 pages, broché 39,90€.

*Simon Hantaï*

Nominé au Prix CatalPa 2013 pour les catalogues d’expositions de Paris.

Réalisé sous la direction de D. Fourcade, I. Monod-Fontaine et A. Pacquement, les 3 commissaires de l’exposition, ce catalogue, traitant de la première rétrospective jamais consacrée au travail de Simon Hantaï, réunit tous les plus grands chefs-d’œuvre de l’artiste, des toiles surréalistes aux Tabulas et aux Laissées, en passant par les peintures gestuelles à la manière de Pollock, les Mariales, et chacune des autres périodes retenues par l’artiste. Époque par époque, son évolution artistique est étudiée ici avec attention, amitié, passion et méthode.

Cet ouvrage est riche de plus de 300 illustrations couleurs de qualité. En plus de contributions des plus grands spécialistes, on y trouvera celles d’artistes (Daniel Buren, Jean-Michel Meurice, Pierre Buraglio, François Rouan) qui jugèrent important d’apporter leurs témoignages sur une œuvre qui aura largement marqué ses contemporains comme les nouvelles générations.

Monographie complète sur son travail, ce catalogue, disponible en version française et anglaise, est à ce jour, à notre connaissance, la référence absolue sur l’œuvre de Simon Hantaï.

Une formidable chronologie, richement documentée et illustrée, a été établie par Isabelle Monod-Fontaine, et Bénédicte Ajac.

Simon Hantaï. 320 pages, 300 illustrations couleurs, 49,90€.

Keith Haring, the Political Line

De Keith Haring (1958-1990), on se souvient de l’icône pop, des figures, des tableaux et des affiches aux couleurs éclatantes, des T-shirts et des objets dérivés vendus dans le monde entier.

Aujourd’hui, chacun reconnaît son style incomparable et ses signes emblématiques : ses chiens, ses personnages, ses couples rayonnants, mais jamais jusqu’ici l’attention n’avait été portée sur la dimension politique et sociale de l’œuvre de Keith Haring, et ce choix s’avère judicieux.

Très attentif aux enfants, il a lutté contre l’illettrisme, le sida, la drogue. Il a défendu avec courage le droit des homosexuels. Il s’est engagé contre le racisme et toutes les formes d’oppression, dénonçant avec force la menace nucléaire, comme la destruction de l’environnement...

Son influence auprès de sa génération d’artistes et de ceux qui leur succédèrent fut profonde et durable au point qu’elle constitue une part de l’héritage de son œuvre,
mais aussi de celui de l’histoire de l’art et de l’humanité.

Ce catalogue éclaire l’aspect militant et subversif de son travail, avec plus de 250 œuvres reproduites, réalisées sur toile, sur bâche ou dans l’espace public, provenant de musées internationaux et de grandes collections particulières.

Keith Haring, the Political Line, de Dieter Buchhart, Odile Burluraux, Robert Farris Thompson, José-Manuel Gonçalvès, Julia Gruen, Fabrice Hergott, Julian Myers, Peter Pakesch et Tony Shafrazi, coédition MAMVP / Paris Musées, 320 pages, 34€

Initiés. Bassin du Congo

En Afrique subsaharienne, l’initié a suivi, dans des conditions parfois éprouvantes, un enseignement spécifique réservé à une catégorie d’individus. Il se devra d’adopter à partir de cette cérémonie des règles de comportement propres au groupe qu’il intègre. Il les partagera, dans un sentiment d’appartenance, avec d’autres personnes, le plus souvent du même âge, du même sexe, de mêmes conditions, l’ensemble cimentant la société à laquelle il appartient.

Ce catalogue rassemble sur le sujet des textes d’historiens de l’art, d’ethnologues et d’anthropologues. Il révèle comment et pourquoi nombre de pratiques rituelles du bassin du Congo sont liées à une grande diversité d’objets : masques, statuettes, insignes, parures, instruments de musique...

Les rites étudiés ici relèvent principalement de l’apprentissage qui prépare l’adolescent à devenir adulte (circoncision, excision), et de la formation que reçoivent les devins, thérapeutes et spécialistes de culte au sein de sociétés secrètes ou de confréries.

Les œuvres et objets qui y sont reproduits proviennent majoritairement du musée royal de l’Afrique centrale de Tervuren, du musée Dapper, de collections publiques (Museum aan de Stroom d’Anvers, Wereldmuseum de Rotterdam) et privées.

Outils de lecture conséquents et utiles, et précieuses illustrations.

Initiés. Bassin du Congo, éditions du musée Dapper. De Christiane Falgayrettes-Leveau, Anne-Marie Bouttiaux, Viviane Baeke, Julien Volper, Anne van Cutsem-Vanderstraete et Michael Houseman. 272 pages, 30€.

Jordaens

Jacques Jordaens n’avait jusqu’à présent pas bénéficié d’une rétrospective d’importance en France, alors que son nom est familier à tous ceux qui arpente les musées, qu’ils soient étrangers ou français, tant ses œuvres (ou celles de son atelier) y foisonnent.

Jordaens, qui fut le contemporain de Rubens, lui survécut quelques décennies, produisant pour les collectionneurs européens de l’époque des tableaux que l’on se disputait de son vivant, et qui prolongèrent la réputation d’Anvers, capitale du monde du commerce et des arts pourtant déjà fléchissante.

Jordaens a su rendre dans ses tableaux, mieux que quiconque, une forme d’esprit truculent propre aux Flamands.

Ce catalogue somptueux se prête formidablement à l’admiration de ses œuvres : proverbes, portraits, décors de fêtes, peintures religieuses, voire même cartons destinés aux manufactures de tapisseries.

On pourra y déceler la patte du maître, capable dans l’instant d’arracher un marché par la virtuosité de son trait, ou d’établir le dictionnaire indispensable de visages, qui restait à tous instants accessible à l’ensemble de ses équipes.

En plus des précieux outils de lecture (bien qu’il n’y ait pas d’index !), on appréciera les explications successivement données des tableaux, et la qualité de la fabrication.

Jordaens (1593-1678), la Gloire d’Anvers, sous la direction de Alexis Merle du Bourg, coédition Petit Palais / Paris Musées, 336 pages, 136 illustrations, 44€.

***La Spoliation des Juifs : une politique d’État (1940-1944)***

Prix CatalPa 2013 pour les catalogues d’expositions de Paris.

"Parce qu’il a su rassembler des documents terribles sur notre histoire proche en réveillant la redoutable neutralité apparente de documents administratifs qui mènent au crime de bureau,

Pour sa révélation méthodique, et accessible immédiatement à tout le monde, des étapes successives d’une politique d’État qui fut française,

Pour ses choix graphiques radicaux parfaitement en cohérence avec ce sujet historique, qui font de ce catalogue un exploit éditorial,

Pour son sujet énorme et la justesse de sa forme,

Pour la profonde émotion qu’il a suscitée chez chacun des membres du jury..."

Dans l’esthétique lugubre des sinistres années de l’Occupation, ce catalogue étaye d’une riche documentation administrative sur papiers pelures les différentes étapes qui permirent aux Nazis d’instaurer la spoliation des Juifs, rouage et préalable méthodologique à la "solution finale".

La spoliation systématique des entreprises et des biens appartenant aux Juifs sera engagée sur l’ensemble du territoire français dès le début de l’Occupation.

Comment pouvait-on pourtant ne pas voir arriver ce processus enclenché dans les années qui précédèrent la Guerre au cœur du Reich allemand et en Italie fasciste ?

L’"aryanisation" en France a pu ainsi être progressivement mise en marche, dès les violences de l’été 1940 et les premières mesures allemandes, jusqu’à la création d’un "ministère de l’antisémitisme", et l’identification des Juifs, préalable indispensable.

Afin d’ "éliminer toute influence juive dans l’économie nationale", "l’aryanisation" était alors en mesure de chercher et de s’approprier les "biens juifs"... Dans le département de la Seine (de Paris), l’estimation des mises sous administration provisoire achevée atteint 47% (au 30 juin 1944), et 54% dans la région de Limoges !

Un document mémoriel rare, effrayant et précieux. À conserver.

La Spoliation des Juifs : une politique d’État (1940-1944), sous la direction de Tal Bruttmann, éditions du Mémorial de la Shoah, 236 pages, 39€.

Frida Kahlo et Diego Rivera. L’art en fusion.

L’œuvre de Frida Kahlo (1907-1954), personnalité mexicaine mondialement populaire et l’une des femmes peintres les plus connues du XXe siècle, reste inclassable. Elle exprime la puissante volonté de vivre de l’artiste, malgré sa tragédie personnelle et sa fréquentation quotidienne de la douleur et de la frustration.

La vie et l’œuvre de Frida Kahlo sont indissociables de celles de son compagnon Diego Rivera (1886-1957), qui fut l’un des muralistes mexicains les plus célèbres. Ses grandes peintures murales devaient apprendre au peuple son histoire et glorifier sa combativité. Dans ce catalogue, son cheminement artistique est tracé, de son séjour cubiste dans le milieu artistique parisien, jusqu’à celles qui firent de lui le fondateur de l’école nationaliste mexicaine du XXe siècle.

L’originalité de ce catalogue consacré à ce couple mythique est de présenter ensemble les œuvres de ces deux artistes dont la vie commune était volcanique et le divorce invivable.

Leurs univers artistiques, si différents, ne sont pourtant pas si dissemblables : attachement à leur terre mexicaine, cycle de la vie et de la mort, révolution et religion, réalisme et mysticisme, ouvriers et paysans.

L’ouvrage n’hésite pas à traiter de la "fridamania", qui fit que cette artiste fut parfois appelée la "Tour Eiffel mexicaine". Bibliographie sélective et chronologie essentielles.

Frida Kahlo et Diego Rivera, L’art en fusion. Coédition Hazan / musées d’Orsay et de l’Orangerie, 224 pages, 120 illustrations, 35€.

*Kanak. L’art est une parole.*

Nominé au Prix CatalPa 2013 pour les catalogues d’expositions de Paris.

L’exposition "Kanak. L’art est une parole" a présenté l’opportunité de rassembler plus de 300 œuvres spectaculaires et inédites, les grandes références classiques de l’art kanak : chambranles sculptés, haches ostensoirs de jade, sculptures faîtières, statuettes et ornements.

De plus ce catalogue est publié au moment où la Nouvelle-Calédonie se trouve politiquement à la croisée des chemins. Une autodétermination, prévue par l’accord de Nouméa, devrait avoir lieu entre 2014 et 2018.

Pour construire une société commune nouvelle et une identité contemporaine, il s’agira de rapprocher le "Visage" et le "Reflet", l’un étant la manière kanak de se penser, l’autre étant, pour simplifier la perception, le regard porté par l’Occident et la France en particulier sur la société kanak. Ainsi le catalogue s’organise-t-il autour de deux grands principes : les Kanak parlent d’eux-mêmes ; Kanak et Européens échangent leur regard.

Roger Boulay, spécialiste de la culture océanienne, fut le commissaire de l’exposition kanak de 1990-1991 avec la RMN. Emmanuel Kasarhérou a dirigé l’agence du développement de la culture kanak et le centre culturel Tjibaou en Nouvelle-Calédonie. Ils ont codirigé cet impressionnant ouvrage de référence.

Kanak, L’Art est une parole, coédition musée du Quai Branly / Actes Sud, 340 pages, 250 illustrations en quadrichromie, 47€.

Marie Laurencin (1883-1956)

La vie romanesque de Marie Laurencin (1883-1956) et un name dropping époustouflant éclipsèrent parfois l’œuvre de l’artiste. Et il est peu banal que l’exposition à l’origine de ce catalogue de la 1ère exposition consacrée à l’artiste par un musée français, présente essentiellement des œuvres, rassemblées par le musée Marie Laurencin de... Tokyo ! Mais c’est aussi une chance, car les collectionneurs japonais ont fait preuve dans leurs choix d’une belle exigence.

Marie Laurencin, par son talent de peintre et sa liaison avec Apollinaire, vécut de l’intérieur l’expérience avant-gardiste bouillonnante du bateau-lavoir avec Picasso, Braque, Max Jacob, André Salmon, le Douanier Rousseau, et l’éclosion du cubisme, dont elle subit fortement l’influence.

Sa palette chromatique très personnelle, faite de camaïeux pastélisés de gris, bleus, roses, verts et ocres, fait ressortir des regards noirs, et des scènes dans lesquelles les animaux, qu’elle ne sait pas bien dessiner ont souvent leur petite place. Marie Laurencin développe une préoccupation de l’autoportrait (plus de 50 !) et un art du portrait pour lesquels elle s’efforce de rendre compte sensiblement, sans tricherie ni accessoires superflus de ce qui lui parvient de la réalité.

Après son exil espagnol, elle se lancera avec appétit dans le goût décoratif et maniériste de l’époque, empreints de rêverie, privilégiant jeunes filles et femmes, et l’évocation de l’enfance.

Elle fut la portraitiste des femmes d’une haute société (Baronne Gourgaud, Comtesse de Beaumont, Lady Cunard, Coco Chanel, Nicole Groult) et de quelques hommes dont Picasso, Salmon et Cocteau, et fit aussi des décors de théâtre, par exemple pour les Ballets russes de Diaghilev (les Biches) et ceux de Roland Petit.

Son itinéraire artistique si personnel est généreusement reconstitué par 70 peintures et une vingtaine d’aquarelles venues de ce musée tokyoïte fondé en 1985 par Masahiro Tokano et dirigé par Hirohisa Takano-Yoshizaw, et de quelques œuvres exceptionnelles rarement vues (Anne Sinclair à 4 ans, et ses yeux bleus, Madame Renée Gimpel, ou des huiles des Groult).

Son auteur, Daniel Marchesseau, directeur du musée de la Vie romantique, est d’une érudition rare sur la vie de cette artiste comme sur ses œuvres. La préface est d’Anne Sinclair, petite-fille du marchand d’art Paul Rosenberg.

Marie Laurencin, de Daniel Marchesseau, bilingue français/anglais, coédition Hazan / musée Marmottan Monet / Musée Marie Laurencin, 120 illustrations, 178 pages, 29€.

Masculin / Masculin. L’Homme nu dans l’art de 1800 à nos jours

La représentation de l’homme nu, qui constitue pourtant l’une des lignes de force de la création en Occident n’avait encore pas été étudiée sur la durée. L’exposition du musée d’Orsay donne l’occasion de mettre le sujet en perspective de 1800 à nos jours. Si l’approche reste ambigüe, le sujet n’en est pas moins traité avec une certaine amplitude.

Le nu masculin fut longtemps l’attribut exclusif des divinités mythologiques dans les grandes compositions historiques et dans la sculpture classique. Winckelmann n’enseigne-t-il pas dès le milieu du XVIIIe siècle que les Grecs de l’Antiquité ont laissé en héritage à l’Europe les divines proportions du corps à l’aune desquelles se mesure toute beauté sur Terre ?

Ce catalogue présente un panorama étoffé des représentations du corps masculin dans l’art, depuis la sculpture antique jusqu’à l’art contemporain, et cela à travers un corpus de plus de 300 œuvres peintes, sculptées ou photographiques. Alibi parfait qui permet d’explorer le nu masculin sous les angles de l’esthétique, de l’histoire, de la sociologie et de la politique.

Ces approches multipliées permettent même de traiter de la redéfinition de la perception du corps, de la permissivité moderne dans sa représentation et son usage. Quels échos la nudité masculine recueille-telle auprès de nos contemporains ? Que dit-elle de son pouvoir, de l’intimité, du rapport entre les sexes, et de l’évolution de la masculinité ?

Ce catalogue, qui confronte à travers les époques les expressions de cette nudité, parvient aussi à établir dans le temps continuum et ruptures.

L’éclectisme est ici revendiqué. Il se constate dans le choix des œuvres. Sans être appelé à devenir la grande référence livresque sur le sujet, l’ouvrage célèbre ici la beauté masculine, sur laquelle pourront se lire selon les œuvres joies, plaisirs, souffrances, canons, codes et langages. Pour prudente et un peu désordonnée qu’elle soit, cette tentative ouvre un chemin... au renouvellement nécessaire que nous portons à une nudité plus rare et plus dérangeante que ne l’a été celle de l’autre sexe. Jusqu’alors.

Masculin / Masculin. L’Homme nu dans l’art de 1800 à nos jours. Coédition Musée d’Orsay / Flammarion, 300 pages, 39,90€.

Yue Minjun, l’Ombre du fou rire

Cette exposition est la première monographique d’importance en Europe sur cet artiste chinois de grande influence.

Avec près de 130 reproductions couleur et noir et blanc de dessins et de tableaux, le catalogue Yue Minjun, L’Ombre du fou rire met en lumière l’œuvre de l’artiste, en explorant l’iconographie si particulière qu’il a développée depuis une vingtaine d’années.

Les contributions significatives du poète et critique chinois Ouyang Jianghe et du philosophe et sinologue français François Jullien, ainsi bien sûr que l’entretien avec l’artiste Yue Minjun lui-même, permettent d’approcher son travail d’un point de vue nouveau et plus complet, et d’approfondir enfin les références à l’histoire de l’art et tout simplement aussi à l’histoire de la Chine qui nourrissent son œuvre.

Avec de tels artistes, le régime chinois est invité, dans la bonne humeur, à réorienter l’Empire... vers de meilleures options...

Yue Minjun, L’Ombre du fou rire, Fondation Cartier pour l’art contemporain, Paris, bilingue français / anglais, relié, 23x28,4 cm, 276 pages, textes de Ouyang Jianghe et François Jullien, entretien avec Yue Minjun, 37€.

Impressions à Montmartre : Eugène Delâtre & Alfredo Müller

Vous entrez ici dans une époque (1900) qui fut l’âge d’or de l’estampe originale et de l’affiche illustrée à Paris.

Eugène Delâtre, graveur et maître-imprimeur à Montmartre, s’impose alors comme l’architecte du renouveau de l’eau-forte en couleurs en France, suscitant un grand intérêt dans le monde artistique.

Il initiera à ce procédé et aux autres méthodes de gravure en taille-douce des artistes déjà réputés ou ayant un puissant devenir, tels Pablo Picasso bien sûr, mais aussi Alexandre Steinlen et Jacques Villon. L’Italien Alfredo Müller bénéficiera aussi de ses découvertes et de sa pédagogie.

Delâtre et Müller seront très inspirés par l’effervescence de la rue et de la nuit montmartroises. Portraitistes sensibles, ils traitent leurs modèles avec justesse, qu’il s’agisse des célébrités de l’époque ou même de leurs proches.

Tout en étant à la pointe des innovations techniques, ils mèneront leurs recherches stylistiques respectives avec passion.

Ce catalogue présente leurs plus belles œuvres. Elles donnèrent à la gravure originale ses lettres modernes de noblesse.

Impressions à Montmartre : Eugène Delâtre & Alfredo Müller, Silvana Editoriale, 144 pages, 24€.

***Ron Mueck***

Prix CatalPa 2013 pour les catalogues d’expositions de Paris.

"Parce qu’il crée une grande proximité avec le travail de l’artiste et avec ses œuvres,

Parce que ses photos comme ses textes, d’une qualité exceptionnelle, démultiplient notre regard sur ces sculptures,

Parce qu’il n’hésite pas à nous offrir au-delà de l’exposition l’ensemble des œuvres créées par l’artiste,

Pour ces petits livrets référence précieux insérés dans l’ouvrage, sa manière douce d’être bilingue, et la grande beauté de cet objet..."

Ce véritable livre de référence sur les sculptures remarquées de Ron Mueck était très attendu du public.

Publié à l’occasion de l’exposition, dans des délais qui lui permettait de faire la part belle aux 3 sculptures spécialement créées pour l’événement (Couple under an umbrella, Woman with shopping, Young Couple), il retrace avec rigueur et élégance les 20 années de carrière de cet artiste australien si minutieux, et à l’expression si retenue.

Les nombreuses photographies de Gautier Deblonde, patientes et attentives, des textes et des documents inédits, rendent sensible le territoire aujourd’hui peuplé par la quarantaine d’œuvres que Ron Mueck a réalisé à ce jour.

Quelques judicieux petits livrets illustrés viennent ponctuer l’ouvrage de sources artistiques historiques qui inspirèrent sculpteur, ou de certains de ses croquis.

Ce catalogue, que l’on peut appeler raisonné, est enrichi des contributions de critiques d’art tels que Robert Storr et Justin Paton, qui offrent de nouveaux éclairages approfondis sur une œuvre aussi fascinante que mystérieuse.

Ces personnages si grands, ou si petits, rêveraient apparemment ne pas être ainsi exposés. Leur présence est pourtant hautement nécessaire. Leur banalité a été patiemment construite, et les instants saisis nous interrogent avec intensité sur nos envies, comme sur les événements marquants ou pas de notre quotidien.

Un catalogue d’une très grande qualité esthétique qui donne à voir davantage sur une œuvre rare.

Ron Mueck, Édition Fondation Cartier pour l’art contemporain, Paris, photos de Gautier Deblonde, textes de Justin Paton et Robert Storr, bilingue français /anglais, relié, 24x30cm, 230 reproductions couleur et noir et blanc, 244 pages, 38,50€.

Fragile. Murano. Chefs-d’œuvre de verre de la Renaissance au XXIe siècle

Depuis des siècles, la petite île vénitienne de Murano est sans conteste la capitale européenne de l’art du verre, artisanat que la Sérénissime avait prudemment écarté de ses ruelles pour mieux se prémunir des incendies meurtriers intempestifs trop fréquents.

À l’occasion de la première exposition à Paris qui retrace l’extraordinaire aventure du verre de Murano, du milieu du XVe siècle à nos jours soit quelque 7 siècles continus de fiévreuse création, ce catalogue montre près de 200 pièces, stupéfiantes et extrêmement variées, dont nombre sont inédites ou ne furent exposées que très exceptionnellement. Elles proviennent de collections publiques ou privées, et il est extrêmement rare qu’elles soient ainsi réunies.

Sous le haut patronage de la Ville de Venise, l’exposition et le catalogue retracent les tribulations à travers l’Histoire, ce que fut la réalité de la production de ces grandes verreries de Murano. L’exigeante sélection a été soigneusement établie à partir des plus beaux objets réalisés pour les grandes familles comme pour les cours européennes de la Renaissance, les Este, les Gonzague, les Medicis.

Ces dynasties d’artistes-artisans ont œuvré par la suite en réalisant les fantaisies baroques et les créations du XVIIIe siècle, les pièces Art déco (années 1920) et du modernisme (années 1950), jusqu’aux œuvres contemporaines de « Studio Glass », le mouvement d’artistes qui avait choisi d’utiliser le verre comme unique moyen d’expression.

Une présentation originale permet de laisser aux illustrations toute leur magie, et renseigne en détail pièce à pièce.

Fragile. Murano, chefs-d’œuvre de verre de la Renaissance au XXIe siècle, sous la direction de Rosa Barovier Mentasti et Cristina Tonini, coédition éditions Gallimard / musée Maillol fondation Dina Vierny, 256 pages, 39€.

*Musique & cinéma. Le mariage du siècle ?*

Nominé au Prix CatalPa 2013 pour les catalogues d’expositions de Paris.

Ce catalogue, véritable événement pour les cinéphiles et les mélomanes, est le premier beau livre qui explore les liens tissés entre ces deux arts, et qui révèle le rôle accordé à la musique, ou capté par elle, à chacune des étapes de la vie d’un film.

Qu’est-ce qu’une bonne musique de film ? Doit-elle se faire entendre ou se faire oublier ? Avançons...

S’il peut être question de "filmer la musique" pendant le tournage d’un film, c’est à l’étape du montage que la relation entre les deux arts est la plus cruciale, au moment où se décide la composition d’un morceau original ou l’emploi de partitions préexistantes sur la bande-son.

À la sortie d’un film, lors de son lancement et de sa promotion, la musique joue souvent un rôle capital. Nous pourrions dire qu’une forme de réciproque est vrai quand à l’inverse, le cinéma parvient à populariser des musiques inconnues ou à transformer de simples chansons en tubes planétaires. Love Story, La Chanson de Lara ou Bagdad Café, pour ne citer qu’elles.

Afin d’analyser les différents aspects de ce lien si étroit et si particulier, les meilleurs spécialistes de ces questions ont participé à ce catalogue. On y trouve des interviews inédites de compositeurs légendaires, tels que Nino Rota ou Lalo Schifrin, des cinéastes, dont Alain Resnais, ou des professionnels du son comme Jean Goudier.

L’iconographie rassemble un grand nombre de photographies et de reproductions d’affiches de films, mais aussi des partitions mythiques (Touchez pas au grisbi, À bout de souffle, Le Parrain…), de documents inédits (correspondances, dessins préparatoires, notes manuscrites), des images rarissimes d’orchestres pendant les sessions d’enregistrement pour le cinéma ou de tandems cinéastes-compositeurs au travail.

Ces informations sont complétées de dessins originaux signés d’un artiste de story-boards pour le cinéma, par une bibliographie sélective commentée et par un index puissant et indispensable.

Musique et cinéma. Le mariage du siècle ? Coédition Actes Sud et musée de la Musique, 254 pages, 39€.

Napoléon et l’Europe

Napoléon Bonaparte, qui ne resta somme toute au pouvoir qu’une courte quinzaine d’années, a profondément marqué l’Histoire comme ce qui allait devenir l’Europe. Ce catalogue met en lumière les enjeux qui marquèrent cette époque, qu’ils soient stratégiques ou culturels, de société, diplomatiques ou politiques. Cet homme marqua profondément les esprits autant que les paysages.

En tête de ce beau livre, les essais de quelques éminents spécialistes napoléoniens confèrent au lecteur une vision plus clarifiée de cette période à la fois belliciste et si romantique, et de ce qui allait en découler.

En suivant, une première partie souligne l’ambition européenne que le génie militaire et politique de ce jeune général plaça au service des idéaux encore radicalement progressistes de la Révolution française toute fraîche.

Par la suite, de nombreux peuples et dirigeants européens réagirent de façon violente à ce qui était devenu la lourde emprise du nouveau pouvoir impérial.

L’Europe n’allait finalement orienter vraiment son destin qu’après les 100 jours, et le "chute de l’aigle"...

De riches "outils de lecture", dont les bases détaillées d’une archéologie de cette période, et autres gourmandises.

Sous la direction d’Émilie Robbe, conservateur du département Moderne (1643-1870) du musée de l’Armée.

Napoléon et l’Europe, Somogy / musée de l’Armée, 336 pages, 39€.

Nigeria, arts de la vallée de la Bénoué

La Bénoué, affluent le plus important du fleuve Niger, définit au Nigeria une région dont les nombreux peuples sont à l’origine de certaines des formes d’art les plus spectaculaires de l’Afrique subsaharienne.

Ce catalogue présente les arts et leurs spécificités des populations de Basse, Moyenne, et Haute Bénoué.

Objets de bois sculptés, céramique ou métal représentant statues féminines ou maternités en ronde-bosse, fines statues en colonne, masques-heaume à visage humain, ou horizontaux stylisés (janusiens mi-homme mi-animal), et récipients anthropomorphes en terre cuite.

Les styles propres à chacune de ces régions suffisent à laisser parler la géographie et l’histoire pas toujours tranquille que connurent leurs populations.

La diversité des traditions communautaires et la liberté des artistes révèlent aussi la perméabilité ou l’imperméabilité que leurs codes stylistiques ont pu traverser ces derniers siècles. En effet, si ces objets peuvent témoigner d’une interaction ancestrale entre les communautés, ils sont dans leur grande majorité de facture assez récente.

Nigeria, arts de la vallée de la Bénoué, de Marla C. Berns, Hélène Joubert, Sidney Littlefield Kasfir et Richard Fardon, coédition Quai Branly / Somogy 136 pages, 80 illustrations, 27€.

Paris Haute Couture

Indubitablement, Paris, et plus largement la France, furent pour le monde entier à la fois le creuset et le diapason de la mode et de la Haute Couture entre 1860 et 1960.

Cela était essentiellement dû aux puissantes maisons parisiennes, celles-là même qui fournissaient encore les grandes cours d’Europe, comme, plus nouvellement, les aventurières de l’époque, et dont la puissance permettait d’employer des cousettes par centaines, et bientôt par milliers, chez Worth, Doucet, Poiret, et les autres.

Ces sociétés parvinrent ainsi, aux yeux de la clientèle, à se différencier des grands magasins de leur temps comme des sans mécènes ou capitaux, faisant naître l’idée d’une exception, d’une aura et d’une excellence artistique singulières. De cette manière, elles surent progressivement développer un univers donnant accès au rêve, bien que solidement ancré au croisement d’enjeux artisanaux, industriels et commerciaux.

Cette exposition temporaire organisée par le musée Galliera à l’Hôtel-de-Ville de Paris crée l’opportunité de retracer le grandiose siècle de la haute couture parisienne.

Le tissu et la façon, le design de la marque, les métiers d’art, le luxe, la question de la cliente (d’hier et d’aujourd’hui) sont quelques-uns des thèmes abordés dans ce catalogue, dont appert un peu de la délicate atmosphère des maisons de couture.

La progression de cette approche de la Haute Couture se fait décennie par décennie, et les annexes et outils de lecture sont richissimes : listes détaillées des vêtements et accessoires exposés, documentation des imprimés, gravures, bibliographie et articles...

Et les pièces si fragiles du musée Galliera peuvent être révélées au mieux et en toute sécurité, dans ce qu’elles ont d’unique, surprises telles qu’elles nous apparaissent dans leur intimité, par la sensibilité photographique de Katerina Jebb.

À noter un ingénieux arbre généalogique de la haute couture...

Paris Haute Couture, sous la direction de Olivier Saillard et Anne Zazzo, Les expositions de l’Hôtel-de-Ville, Éditions Skira Flammarion, 288 pages, 39,90€.

Pasolini Roma

Même après sa mort (assassiné en 1975, ce crime est resté un mystère), Pasolini est demeuré l’un des personnages les plus extrêmes, controversés, polémiques et charismatiques à la fois de l’après-guerre en Europe.

Ce catalogue illustre les sentiments très particuliers d’amour et de haine qu’il vouait à la ville éternelle. Par la sélection d’articles et d’éléments de toutes sortes, dessins, peintures, photos quotidiennes ou de tournage, qu’il rassemble, il dresse le portrait extrêmement mobile d’un poète et d’un créateur nourri et habité de doutes, de provocations, et plus que tout d’un regard analytique d’une profondeur peu commune.

Pasolini nous aura ouvert bien des portes par ses films, il pensait que le cinéma était "la langue écrite de la réalité", comme par ses écrits, en pressant toujours le pas pour ne pas être statufié et donc forcément trahi.

Il a aussi écrit : "J’ai fui avec ma mère et une valise et quelques joies qui se révélèrent fausses... Nous allions vers Rome. J’ai vécu / cette page de roman, la seule de ma vie : pour le reste - que voulez-vous ? - j’ai vécu dans un poème lyrique, comme tout possédé."

Le gros mot est lâché. Pasolini était possédé par cette ville et par un puissant sentiment d’urgence. Ce livre, par petites touches successives, et parfois contradictoires, en dresse finalement un portrait difficilement plus fidèle et plus intime. Largement et sobrement illustré, il ravira les cinéphiles.

Il est agrémenté d’entretiens avec Alberto Arbasino, Bernardo Bertolucci, Vincenzo Cerami, Ninetto Davoli, Dacia Maraini, Ennio Morricone, et Nico Naldini. Les introductions aux chapitres sont d’Alain Bergala, et le commentaire des documents de Gianni Borgna, Alain Bergala, et Jordi Balló.

Pasolini / Roma, coédition Skira Flammarion / la Cinémathèque française, rédacteur en chef Jordi Balló, conseil scientifique Graziella Chiarcossi, avec des textes de Pier Paolo Pasolini. 264 pages, 250 illustrations, 35,50€.

Philippines, archipel des échanges

L’archipel des Philippines compte plus de 7 000 îles et s’étire sur près de 1 700 kilomètres. Il englobe les îles du Nord (Batanes et Luçon), qui ne sont pas si éloignées de Taïwan, comme celles du Sud, voisines de l’Indonésie, que sont Mindanao, Sulu et Palawan. On dit davantage que la mer unit ces îles plus qu’elle ne les sépare...

Ainsi allaient les Philippines, traversées des forces d’échange entre ces îles, puis plus largement avec des pays plus lointains, qui s’approchaient par des routes commerciales et des enjeux économiques qui brassaient alors idées, hommes, formes et matières, dotées toujours de ce double regard qui lui est propre : l’un tourné vers la mer... et l’autre vers la Terre.

Ce très bel ouvrage est consacré aux arts des Philippines pré-coloniales. Il s’appuie sur les derniers travaux des archéologues, des historiens et des linguistes, qui sondent le passé austronésien des Philippins.

Ce catalogue est illustré d’œuvres historiques sélectionnées dans les collections publiques, qu’elles soient philippines, américaines, européennes, ainsi que dans les collections privées : objets archéologiques, bijoux en or, parures, objets rituels, armes, textiles...

L’Âge d’Or des cités portuaires témoigne de la vitalité artistique et de l’expertise technique du travail de l’or.

Les côtes et les archipels du Sud des Philippines ont vu naître et se développer de puissants sultanats, et des expressions artistiques chères au raffinement du monde musulman.

Quand aux groupes de montagnards de Luçon et de Mindanao, ils sont restés en marge de la colonisation espagnole. Ces sociétés, dites "du riz" portent toute leur attention à leur environnement naturel, dont ils tirent leur alimentation. Ici on constatera une grande méticulosité à faire par exemple des objets quotidiens, de guerre, ou cultuels

Philippines, archipel des échanges, coédition Actes Sud / musée du Quai Branly, 368 pages, 47€.

La Photographie en cent chefs-d’œuvre

Cet ouvrage, établi sous la direction de Sylvie Aubenas et Marc Pagneux, propose cent des photographies des collections de la BnF. La plus ancienne, un essai de William Henry Fox Talbot, est datée de 1839. La plus récente a été prise à Fos/Mer en 1986 par Lewis Baltz, dans le cadre de la mission de la DATAR.

Selon un parcours ni chronologique ni thématique, mais poétique, il s’agira d’avancer par association, d’image à image, obéissant plus que tout à une logique de rapprochements et de correspondances intellectuelles et formelles des œuvres choisies pour leur beauté, la perfection de leur tirage et leur provenance.

Connaisseur, amateur ou néophyte, le lecteur aura toute facilité de s’abandonner au plaisir de la découverte, qu’il s’agisse de portraits, de paysages, de nus, de reportages, de publicité, ou de photographie scientifique…

Les grands noms de la photographie des XIXe et XXe siècles (Atget, Nadar, Drtikol, Arbus, Degas, Bravo, Hausmann, Cartier-Bresson, Man Ray, Marey, Brassaï, Kertesz, Brandt, Le Gray, ou Gilles Caron, côtoient des personnalités comme Zola, Montesquiou, le cercle d’Hugo, ou Victor Segalen.

Mais que signifie ce concept de chef-d’œuvre appliquée à la photographie ? L’ancienneté de la collection de la BnF, comme ses innombrables sources d’enrichissement, la valide dans cet exercice stimulant.

Ce catalogue offre à 100 personnalités, a priori sans rapport avec le monde de la photographie, de commenter chacune une image susceptible de le faire réagir.

La Photographie en cent chefs-d’œuvre, BnF, 196 pages, 100 illustrations, 39€.

Maurice Pialat, peintre et cinéaste

Ce livre est à la fois le catalogue de l’exposition Pialat de la Cinémathèque française, qui montre un créateur double, impatient et rebelle, et un essai voilé de remords sur ce cinéaste dont les relations avec le monde du cinéma furent en général conflictuelles et lourdes de ressentiments.

On y découvre des tableaux et des dessins surtout, qu’il n’aurait certainement pas voulu montrer de son vivant, présentés sans date ni éclairage, mais scéniquement très bien "cadrés". Pialat avait suivi quelques années de cours de dessin et de peinture aux Arts déco dès 1942, et même exposé dans les salons des moins de 30 ans. Il préfèrera le théâtre à cette première passion, avant de réaliser ses premiers courts métrages.

Il ne put enfin réaliser le tournage de son premier long métrage, L’Enfance nue qu’en 1968. Tous ses films traiteront des thèmes de l’abandon, ou de la peur de l’abandon, et de la solitude, que l’on retrouve dans son feuilleton remarqué qu’il tourne pour la télé, La Maison des bois, et dans ses films suivants La Gueule ouverte, Nous ne vieillirons pas ensemble, Loulou, À nos amours, et Police.

En 1987, il obtient la Palme d’or au festival de Cannes pour Sous le soleil de Satan, ans le tumulte, où il reconnaitra d’une voix suave ne pas aimer non plus le monde du cinéma qui hue sa récompense. Son film Van Gogh, pur chef-d’œuvre, le ramène ou le confronte à sa passion de jeunesse, la peinture.

Maurice Pialat, "un grand gardeur" selon sa femme Sylvie, a laissé d’abondantes archives : scénarios non tournés, notes et documents rares, photos, et correspondances. Elles participent à mieux faire comprendre le cinéaste, comme ces entretiens inédits avec ses anciens collaborateurs : Yann Dedet et Jacques Loiseleux.

Maurice Pialat, peintre et cinéaste, Serge Toubiana, Coédition Somogy / La Cinémathèque française, 160 pages, 29€.

Collection Pinault : À Triple Tour

François Pinault a présenté à la Conciergerie une cinquantaine d’œuvres de sa collection, pour la plupart encore jamais montrées à Paris. Le thème de l’enfermement avait été retenu, en résonance avec ce site, autrefois lieu de détention.

Dans la diversité des formats et des supports (installations vidéo, peintures, sculptures, photographies…) les œuvres cernent les formes que peut revêtir l’enfermement, qu’il soit physique ou mental. Subi, en général, il peut parfois résulter d’un choix, d’une reddition, d’une réaction. Subissons-nous notre propre destin ? Restons-en nous les maîtres ?

Parmi les 23 artistes dont des pièces ont été choisies, certains ont une réputation établie (Bill Viola, Michelangelo Pistoletto ou Damien Hirst), mais d’autres sont de jeunes artistes comme Sun Yuan & Peng Yu.

Que le sujet soit abordé de façon grave ou humoristique, ces œuvres témoignent de la capacité propre des artistes à réagir et à prendre parti.

Dans ce catalogue, Marie Darrieussecq, romancière (Truismes, 1996, romans, essais, livres d’art, et pièces de théâtres), constate que le thème de l’enfermement sous-tend une bonne partie de son travail d’écriture.

Thierry Grillet, directeur des affaires culturelles de la BnF, évoque l’enfermement physique créateur d’un Marcel Proust, ou celui psychique d’un Thomas Bernhard : « Avec les portes, il y a un dedans, il y a un dehors. Pour l’anthropologue, l’enfermement n’est pas l’enfer. Au contraire. S’enfermer, c’est d’abord se protéger. »

Œuvres de Jennifer Allora & Guillermo Calzadilla, Ahmed Alsoudani, Bertille Bak, Mohamed Bourouissa, Kristian Burford, Zhen Chen, Llyn Foulkles, Mona Hatoum, Damien Hirst, Tetsumi Kudo, Friedrich Kunath, Maria Marshall, Justin Matherly, Julie Mehretu, Boris Mikhaïlov, Michelangelo Pistoletto, Raphaëlle RicolI, Alina Szapocznikow, Yuan Sun & Yu Peng, Javier Téllez, Diana Thater, Bill Viola.

À Triple Tour. Collection Pinault, Marie Darrieussecq, Thierry Grillet, éditions du Patrimoine, 242 pages, 104 illustrations, broché avec grands rabats, 35€.

Serge Poliakoff, le rêve des formes

Peintre majeur de la scène artistique parisienne des années 1950-1960, Serge Poliakoff tout au long de son œuvre s’est attaché à explorer la notion d’abstraction, la complexité des relations entre la couleur et la ligne, le fond et la forme, le chromatisme et la lumière.

Depuis la rétrospective du musée national d’Art moderne en 1970, aucune exposition de grande ampleur n’avait été consacrée à Poliakoff.

Cet ouvrage, qui rend compte de "Serge Poliakoff, le rêve des formes", présente une sélection d’œuvres (plus de 80 peintures et une cinquantaine de gouaches réalisées entre 1946 et 1969), qui permet un regard renouvelé et contemporain sur la production de ce peintre.

Une période bien retranscrite, avec ses principaux acteurs et les liens tissés. Des photos sur transparents viennent adroitement animer ce livre.

Serge Poliakoff, le rêve des formes, Paris Musées éditions, 256 pages, 150 quadris, 35€.

Le Pouvoir en actes : fonder, dire, montrer, contrefaire l’autorité

Selon, Hannah Arendt, le pouvoir n’existe qu’en acte. Que ce dernier soit charte, diplôme, ou constitution. Et si celui-ci est l’expression, la manifestation privilégiée de l’autorité qu’il contribue à définir, encore faut-il que ce type particulier d’écrits présente les signes, rédactionnels et matériels, qui le font être acte, parole écrite efficace.

Sur quoi se fondera cette efficacité élaborée et scénarisée ? Quelles évolutions a-t-elle revêtu au fil de l’histoire ? Quel apparat nécessaire garantira la transmission de l’autorité à l’acte qu’elle produit en en manifestant la grandeur ?

A contrario, quelles destitutions menacent l’acte tenant lieu de corps souverain, de corps du souverain ? En quoi les parades mises en œuvre contre le faux, l’acte faux, contrefait, le désignent-elles comme une menace majeure à l’encontre de la crédibilité de la puissance publique ?

Portées par des spécialistes issus de champs disciplinaires variés, de la philosophie à l’histoire, en passant par le droit, la linguistique, la diplomatique, les réponses à ces questions permettent de mieux comprendre en quelles pratiques et quelles représentations vient s’arrimer l’autorité souveraine, des temps mérovingiens à nos jours.

Un beau livre érudit et agréablement illustré qui nous permet d’assister à la genèse du pouvoir et à ses transformations historiques. Un guide utile pour comprendre les liturgies et la mythologie dont tient encore à se parer dans nos sociétés le pouvoir, tout démocratique qu’il dise être.

Le Pouvoir en actes : fonder, dire, montrer, contrefaire l’autorité, sous la direction d’Elsa Marguin-Hamon, coédition Somogy / Archives nationales, 216 pages, 185 illustrations, 32€.

Euro-Punk, une révolution artistique en Europe. 1976-1980

Tût-tût ! Le Punk, courant artistique radicalement iconoclaste, anti-art à mort, entre au musée ! "No Future !" ? De fait, par ce courant de pensée, la musique populaire allait profondément se régénérer, comme la mode, le graphisme et la photographie. L’incendie du Punk se répandait...

Ce catalogue, basé sur une exposition initialement conçue pour la Villa Médicis à Rome par Éric de Chassez, et réadaptée pour la Cité de la Musique à Paris, marche sur deux pattes principales : le groupe anglais musical principal des Sex Pistols, et le groupe graphique Bazooka en France.

Il s’attache à montrer l’effervescence créatrice de ce mouvement, né sur les cendres froides de Mai 68. Révolution sans cause, ambiguë et chaotique, et qui faisait un usage systématique de la provocation et du second degré, elle proposait néanmoins à chacun de changer le monde.

L’ouvrage, très illustré, comporte un essai critique d’Éric de Chassey, des textes de Jon Savage et de Jerry Goossens, ainsi que de très nombreuses reproductions.

Euro-Punk, une révolution artistique en Europe. 1976-1980. Coédition Drago / Cité de la Musique, 312 pages, 551 illustrations, 38€.

La Renaissance et le rêve

Bien avant les interprétations de la psychanalyse, l’homme occidental imaginait que le sommeil et les songes nous mettaient en relation avec les puissances de l’au-delà. Ainsi les hommes de la Renaissance, qui accordaient aux rêves une importance extrême, durent-ils affronter la redoutable question à la limite de l’interdit : en s’évadant des contraintes de son propre corps, le rêveur entre-t-il en contact avec le divin, ou se trouve-t-il au contraire livré à des puissances démoniaques ?

Et les artistes des XVe et XVIe siècles devaient aussi pratiquement résoudre une question plus troublante encore : comment représenter ce que rêve un rêveur ? Si certains explorent le rêve en tant que révélation d’un autre monde, saint ou infernal, si d’autres l’utilisent pour transfigurer le vécu quotidien ou en profiter pour représenter sa dimension érotique et interdite, chez une élite il sera perçu comme une métaphore de l’art lui même.

L’occasion de la réunion de ces 24 œuvres d’illustres artistes de la Renaissance, de Jérôme Bosch à Véronèse, en passant par Dürer ou Le Corrège, Andrea del Sarto, Niccolo dell’Albate, permet de découvrir dans ce catalogue cet âge d’or de la représentation du rêve. Et cela selon un parcours qui, du sommeil au réveil, de la Nuit à l’Aurore, invite chacun à laisser libres les voies de son imagination et à s’abandonner aux troublantes images du rêve.

Iconographie soignée et bibliographie approfondie

La Renaissance et le rêve, éditions de la RMN - Grand Palais, sous la direction scientifique d’Alessandro Cecchi, Yves Hersant et Chiara Rabbi Bernard, 176 pages, 100 illustrations, 35€.

Ricciotti, architecte

Rudy Ricciotti construisait des maisons sur la Côte d’Azur. Il aura l’occasion de pousser ses recherches sur la matière en s’attaquant à la réalisation du Stadium de Vitrolles en 1990. Il y fera montre d’une haute maîtrise technique et d’une expression plastique forte et originale.

Ainsi exprimera-t-il par la suite l’exosquelette du Pavillon noir (centre chorégraphique d’Aix-en-Provence), la coque lacérée du musée Cocteau à Menton, ou les résilles structurelles du MuCEM de Marseille.

Pour cet architecte "contextuel" et "circonstanciel", la relation au paysage est une des clés.

Remarqué parmi les architectes de sa génération, Ricciotti sait s’engager, trouver un mode adapté à un contexte (habitation, musée, ou stade), et parfois conserver mais transformer, comme il le fit avec les Grands Moulins de Paris.

Ce catalogue laisse la parole à un créateur du Sud, qui en entraîne d’autres avec lui, écrivains, poètes, artistes et amis. Ils participent à cet ouvrage.

Feuilletez-le, et vous n’en sortirez pas indemnes, aspirés et étonnés par la masse considérable d’œuvres déjà réalisées par Ricciotti. Fascinant.

Ricciotti architecte, ouvrage collectif, sous la direction de Francis Rambert, coédition Le Gac Press / Cité de l’architecture et du patrimoine, 350 pages, 38€.

Rodin. La lumière de l’antique

Rodin voulût ancrer sa pratique de la sculpture dans la continuité de l’art grec fondateur, parfois revisité par les filtres des copies romaines et de la Renaissance.

Reformulant les archétypes de l’Antiquité, allant jusqu’à intégrer par assemblage ses propres figurines à un vase grec, une colonne, une urne, son art faisait écho, par la perfection plastique et l’expressivité de ses formes, à l’idéal grec, ou plus exactement à l’ensemble "l’antique", qui pour lui englobait différentes antiquités.

Ces chefs-d’œuvre, arrivés jusqu’à nous le plus souvent à l’état de fragments, de sculptures mutilées, trouvaient un parallèle formel dans la façon même qu’avait Rodin de travailler : ôtant le superflu pour accorder à ses œuvres une puissance brute, essentielle, mutilant ses statues, il usait de l’assemblage, du fragment, de la recomposition, de l’inachevé.

Rodin ne se rendit jamais en Grèce, mais il collecta, surtout à partir de 1900 quelque 2500 œuvres ou répliques grecques, en une sorte de Panthéon, son propre musée, qu’il installa à Meudon dans son atelier. Elles furent ses "amies de la dernière heure". Mais il s’agit sans doute là d’une Antiquité rêvée, celle qui est capable de tranquiliser le grand homme, qui l’autorise à des transgressions, aux percées de l’invisible, de l’inaccessible, de l’indicible, et le transporte jusques aux portes de la modernité.

Un catalogue brillant et précieux qui deviendra vite un ouvrage de référence aux outils de lecture indispensables.

Rodin. La lumière de l’antique, publié sous la direction de Pascale Picard, co-édition Gallimard / Musée départemental Arles antique, 404 pages, 450 illustrations, cartonné, 45€.

L’Art de Rosanjin

Étrange personnage que ce Rosanjin, génie de la gastronomie japonaise, artiste total capable de raviver les traditions les plus exigeantes, de faire lui-même les plats qui seraient les mieux adaptés aux mets qu’il inventait dans ses légendaires restaurants.

Ce catalogue d’une esthétique et d’un purisme achevés devrait satisfaire par son extrême délicatesse... et ses leçons de philosophie dont il est clairsemé les curiosités les plus pointues.

"Aiguise ta sensibilité à la lumière et au vent, aux changements des saisons."

L’art de Rosanjin. 132 pages, 35€.

Soto

À l’occasion d’une dation de 20 œuvres de l’artiste cinétique Jesus Rafael Soto (1923-2005), le Centre Pompidou publie sous la direction de Jean-Paul Ameline ce catalogue sur l’un des principaux protagonistes des Années 1950 et 1960, du grand renouveau de cet art du mouvement, et de la lumière.

Sa recherche construisait des dialogues avec celles des maîtrse fondateurs de l’abstraction qu’étaient Mondrian, Malevitch et Moholy-Nagy et avec ses contemporains Yves Klein et Tinguely.

Il fut le créateur des célèbres Pénétrables, ces volumes suspendus dans l’espace et tentateurs, qui invitent le spectateur-acteur à des traversées, à des transformations de matières, de lumières et de couleurs, à des évolutions des œuvres, qu’il suscite lui-même par son intervention et sa curiosité expérimentale.

Au-delà de l’indispensable chronologie établie par Nathalie Ernoult, ce livre aborde, création par création, les grands thèmes à partir desquels Soto s’interrogeait et répondait aux temps modernes et aux fluidités de notre univers.

Soto, essais de Jean-Paul Ameline et Ariel Jiménez. 128 pages, 120 illustrations, 34,90€.

*Dictionnaire de l’Objet surréaliste*

Nominé au Prix CatalPa 2013 pour les catalogues d’expositions de Paris.

Ce catalogue-dictionnaire de l’objet surréaliste est le premier ouvrage exhaustif sur ce thème. Quand le mouvement fondé par Breton se met en 1927 "au service de la Révolution" une grave question se pose aux surréalistes : comment concilier l’appel au rêve et le souci du réel, la psychanalyse et le matérialisme dialectique ? Leur nouvel engagement suppose la remise en cause du rôle social de l’artiste, et "de la fétichisation marchande des œuvres" (mais heureusement seulement d’elle !). C’est alors qu’était inventé l’objet surréaliste !

Composé de 247 entrées, ce dictionnaire offre également la précieuse histoire illustrée des expositions surréalistes, ces véritables événements-laboratoires de la réflexion surréaliste appliquée à l’objet. Il retrace au plus près les étapes d’un questionnement qui provoque l’avènement de l’objet, fait proliférer la figure du mannequin... provoque le développement de la mise en scène des expositions... et in fine de l’installation.

Superbement illustré des œuvres exposées, enrichies de photos de situations et des acteurs de cette véritable aventure novatrice qu’initiait l’objet surréaliste.

Le commissaire de l’exposition Didier Ottinger, directeur adjoint du musée national d’art moderne, est le directeur de cet ouvrage. La bagatelle de 35 brillants auteurs l’ont pas mal aidé à mener cette grande barque à bon port. Impressionnant, non ?

Un objet assez surréaliste auquel il ne manque que les sons évocateurs et les variations lumineuses.

Dictionnaire de l’Objet surréaliste, établi sous la direction de Didier Ottinger, coédition Centre Pompidou / Gallimard, relié, 384 pages, 203 illustrations et 72 images documentaires, 39,90€.

Félix Vallotton. Le feu sous la glace

Félix Vallotton (1865-1925), graveur et peintre d’origine suisse, est naturalisé français en 1900. Moins célèbre en France qu’en Suisse, ce fut pourtant à Paris que ses gravures sur bois au ton souvent assez cruel, voire franchement cynique, furent initialement remarquées et allaient lui procurer une large renommée bientôt européenne.

Accueilli par les Nabis comme l’un des leurs, il deviendra, un peintre de la scène artistique parisienne en vue, sans pour autant que sa notoriété ne rejoigne celles de ses amis Vuillard et Bonnard.

Félix Vallotton s’est essayé et a excellé dans presque tous les genres : portrait, nu féminin, paysage et vue urbaine, nature morte, peinture d’histoire à sujet mythologique ou allégorique, ou compositions inspirées par la Première Guerre mondiale.

Travailleur acharné, son style, d’un aspect lisse et froid, se distingue par des couleurs raffinées, un dessin précis cernant la forme, des cadrages audacieux, quasi cinématographiques, des perspectives aplaties empruntées aux estampes japonaises et à la photographie. Parfois le démon caustique qui fit son succès dans la gravure surgit dans ses peintures, et en noie la rigueur, laissant percer la caricature... et un poil de méchanceté qui ne devrait pas déplaire.

Son sens aigu de l’observation lui fait parfois exagérer la réalité jusqu’à la rendre dérangeante. Conflits, ambiguïté, désir, interdit et culpabilité rodent alors plus souvent qu’à leur tour dans ses compositions. Il a par ailleurs donné une dimension mythique et clairement misogyne à la guerre des sexes, installant avec constance la femme dans un rôle de prédatrice, forcément menteuse et vorace, de l’homme avec tant de systématisme qu’il en deviendrait drôle.

Ce catalogue profite de la généreuse rétrospective au Grand Palais de l’œuvre de Félix Valloton, peintre, graveur, illustrateur, et même sculpteur. Cet ouvrage sera pour beaucoup, par ses explications, et l’étendue comme la diversité de ce qui y est montré, une très enrichissante révélation de l’œuvre d’un artiste injustement méconnu en France, surnommé de son vivant le « Nabi étranger », et qui fut un membre éminent de La Revue blanche.

Félix Vallotton. Le feu sous la glace. Éditions de la RMN-Grand Palais, de Marina Ducrey, Guy Cogeval, Katia Poletti, Isabelle Cahn, Naoko Sugiyama, Fleur Roos Rosa de Carvalho, et Laurence Madeline, 288 pages, 250 illustrations, 45€.

Désirs et volupté à l’époque victorienne

Un nouvel engouement est né pour les peintres de l’époque victorienne, aussi bien dans les musées qu’auprès des collection­neurs : Lawrence Alma-Tadema, Frederic Leighton, Edward Burne-­Jones, Albert Moore ou John William Waterhouse.

Ceux-ci ont en commun de célébrer la beauté féminine, comme en témoignent la cinquantaine d’œuvres réunies pour l’exposition au musée Jacquemart-André. Ce catalogue offre un large aperçu de la peinture britannique des années 1860 à la veille de la Première Guerre mondiale. Les tableaux, qui pro­viennent tous de la collection de Juan Antonio Pérez Simón, forment l’un des plus beaux ensembles privés d’art victorien.

L’Antiquité y est réinventée, les légendes médiévales et les décors sont d’un charme tout britannique, et l’on peut observer que les grands artistes de cette époque puisaient à de multiples sources d’inspiration. La femme, sous leurs pinceaux, se transforme en héroïne antique ou shakespearienne. Elle prend tour à tour les traits d’une muse, d’une enchanteresse, d’une femme fatale ou d’une amoureuse mélancolique, et embrasse ainsi tous les rêves victoriens.

Désirs et volupté à l’époque victorienne. Coédition Fonds Mercator / musée Jacquemart-André, 28x24cm, 224 p., 130 illustrations, 44,95€.

Félix Ziem

À l’occasion du centenaire de la mort du peintre, le Petit Palais fait redécouvrir et publier les huiles délicates, les bois raffinés et les aquarelles de Félix Ziem (1821-1911).

Ziem fut avant tout un peintre de l’ailleurs. Pour peu qu’il y ait eu du soleil, des tourbillons de sable, un peu de brume, des paysages arborés et ce début d’enivrement que procure un zeste suffisant d’exotisme, il s’empourprait comme ses tableaux et dessins, et se sentait libre, vivant, et en communion avec le monde.

Ce catalogue est publié par le musée Ziem de la ville de Martigues, qui y avait travaillé, fasciné par la lumière si particulière du Sud et la proximité de la mer.

Pour ne pas être un maître, Ziem n’en est pas moins un peintre sensible, excellent dessinateur, qui s’émerveillait de la nature et vibrait à l’exotisme qu’il recherchait inlassablement dans ses nombreux voyages... Orientaliste ? Impressionniste ? De toute manière une quête permanente d’émotion et d’ailleurs, quels qu’ils puissent être.

Félix Ziem, peintures et aquarelles du Petit Palais, Paris. J’ai rêvé le beau. Images en Manœuvres Éditions, 176 pages, 16€.

André Balbo

Informations pratiques
Adresse, horaires, numéro de téléphone, liens...

lundi 6 mai 2019,    Expositions